mercredi 30 mars 2011

La deuxième fois….

On dit toujours que la première fois est la meilleure…..
Le premier amour, le premier baiser,  le premier pas, la première gorgée de bière

La deuxième fois, cela sonne moins bien, eh bien je voudrais réhabiliter cette deuxième fois, lui donner une deuxième chance

Quand j’ai lu la princesse de Clêves je me suis un peu beaucoup  ennuyée ; la deuxième fois, au moment des remous déjà cités dans ce blog quand Monsieur Sarkozy mettait sur la touche Madame de La Fayette, je ne sais pourquoi le charme a opéré.  Peut-être le fait qu’on parlait beaucoup de la princesse a- t-il en tout cas pour moi permis un autre regard, comme on voit d’un autre oeil quelqu’un dont on vous parle tout à coup avec éclat et que vous jugiez insignifiant….(ouf ! j’ai eu peur de ne jamais sortir de cette phrase - galère…).

Idem pour Anna Karénine, que j’ai relu grâce à l’élégance du hérisson. Je ne m’étais point ennuyée la première fois, certes non, mais la deuxième ce fut bien mieux ; je me suis davantage attachée aux personnages de Katty et de Lévine, double de Tolstoï, je n’étais pas obnubilée par la fin, bref un second voyage fort agréable.

La même chose pour le temps de l’innocence d’Edith Wharton, que Françoise Hardy m’a donné envie de relire lors d’un entretien à la radio. Cette deuxième fois, je l’ai savourée, chapitre après chapitre, et le fait de savoir plus ou moins où j’allais n’enlevait rien au plaisir, au contraire, il ajoutait une valeur, je dirais même une jouissance…. Ce sont parfois des premières fois  pour d’autres qui donnent envie d’ une deuxième fois…
Et j'anticipe le plaisir de relire bientôt mon préféré de cet auteur : chez les heureux du monde.

Et cette première fois que tout le monde a en tête, foin de littérature, on sait bien aussi qu’elle est rarement bonne, sûrement délicieuse d’appréhension avant, mais certainement bien meilleure après, et au delà de la deuxième fois….alors cette première, qui a eu parfois des répétitions générales plutôt frustrantes, comme la première cigarette, a d’abord une valeur initiatique auprès des autres (alors tu l’as fait ?), une couleur sentimentale en tout cas, parce qu’au fond un peu pudique et parfois honteuse, qui se teinte avec le temps de nostalgie.

Et si ce blog porte le nom d’un roman de Fitzgerald c’est que plus encore que pour ses romans et nouvelles, je crois que j’ai un attachement pour sa personne, éblouie et méprisée par le monde des riches et qui décrit si bien l’imposture et les sentiments d’envie et de honte. Quand j’ai relu the great Gatsby j’ai réalisé qu’il suffisait à Tom Buchanan, le vrai riche, de quelques phrases pour liquider Gatsby encore plus sûrement qu’en le tuant !

Il y a aussi le syndrome du deuxième, de Poulidor (ou Juppé, ou Rocard…),  du bon élève qui est toujours deuxième. Et le second qui ne supporte pas de ne pas être le 1er,  cela fait même dire à un Iznogoud célèbre  «  Je préfère être le premier dans mon village que le deuxième dans Rome »

Bien sur la deuxième fois a aussi mauvaise réputation à cause de la sempiternelle  injonction  fort pédagogique « tu feras mieux la prochaine fois ! »

Et pourtant ce peut être un appel à la différente, ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre.

Et je ne peux m’empêcher de convier Léo pour terminer avec lui (sans l’utiliser à des fins politiquement corrects, le deuxième verre, ça va…. juste pour le plaisir de sa compagnie)

Monsieur Richard !!!!  le deuxième……………pour la route !


samedi 26 mars 2011

J’aime le cinéma


J’aime aller seule au cinéma, cela doit remonter à l’enfance, quand je fréquentais le dimanche après-midi un cinéma de quartier dans lequel j’ai vu pas mal de films italiens surtout…je ne m’en souviens pas, bien sur, mais une actrice, Antonella Lualdi, m’avait marquée et elle est je crois tombée dans l’oubli (ou je ne l’ai pas reconnue blonde !). Elle jouait, brune encore, Mathilde de la Molle aux côtés de Gérard Philippe dans Le rouge et le noir de Claude Autant-Lara.

Quelques années plus tard, je découpais des photos de Gérard Blain et Jean Sorel
Quand j’ai vu le film de Visconti, Sandra, avec Claudia Cardinale et Jean Sorel, il était ma foi aussi beau que dans mes émois adolescents ; dans le film de Bunuel, Belle de jour, j’avais du mal à concevoir que Catherine Deneuve aille faire des passes l’après-midi alors qu’elle vivait avec un mari qui avait les traits de Jean Sorel…

J’aime l’instant magique au cinéma quand les pubs se sont évanouies, quand les présentations de films sont terminées, quand les portables sont coupés et qu’enfin dans le noir la seule lumière est celle de l’écran.

C'est un bonheur d'aller au cinéma l’après-midi, quand il y a peu de monde, surtout les aficionados… J’avoue avec un léger sentiment de honte que j’ai découvert récemment l’Institut Lumière. Il est vrai que j’ai souvent vu les films programmés « dans le fameux hangar », mais quel plaisir de les revoir, les westerns en particulier, dans cette magnifique salle obscure, on aura compris que les DVD ce n’est pas mon truc et que je n’aime guère le cinéma en boite.

Et je trouve dommage qu’un film soit si vite mis en conserve, j’aimerais revoir Inglourious basterds sur un grand écran et pas devant ma télé…pour retrouver la sensation éprouvée la première fois, encore  un peu d’émerveillement devant cet hymne au cinéma

Je n’aime pas spécialement aller seule au théâtre…pourquoi le cinéma ? peut-être qu’à une époque où les émotions doivent être vécues et diffusées en instantané, où les applaudissements crépitent avant que tombe le rideau, j’aime prendre mon temps, digérer lentement le film que je viens de voir et n’ai aucune envie de répondre à la question « Alors, qu’est ce que t’en penses ? »

lundi 21 mars 2011

Le bel Antonio

Elle s’était dit « je pars seule en Italie ! après tout je n’ai pas besoin de chaperon, nous sommes en 1972, une copine cela peut être ennuyeux et un copain carrément encombrant… »

Elle se raisonnait aussi en se disant qu’elle ne partait pas au bout du monde, elle allait sur le vieux continent à l’heure où certaines de ses consœurs voyageaient sac à dos au Népal. Mais elle ne faisait pas partie de la beat génération, sinon par l’âge et parfois un peu l’apparence avec ses longs cheveux blonds qui lui donnaient l’air d’une vierge préraphaélite….vierge quand même pas, elle avait beau avoir eu une éducation stricte, en fille de la bourgeoisie bostonienne, elle se croyait un peu dessalée miss Cooper.

Et puis les Anglaises ont parcouru l’Italie au XIXème siècle, parfois solitaires… alors une Américaine dégourdie du XXème no problem !

Elle avait choisi Rome et Florence comme destinations principales, avait un bon guide et parlait un peu l’italien. Son imagination et ses lectures l’entraînaient déjà sous le plafond de la Sixtine, dans les chambres de Raphaël, devant les Botticelli ou près du pont sur l’Arno où Dante avait aperçu Béatrice pour la prima volta

Elle n’avait pas choisi Venise, réservant cette destination pour un voyage post nuptial, « dessalée mais un peu traditionnelle », ni l’Italie du sud qui exhalait trop les miasmes de la pauvreté et les ruelles mal famées de Naples. 

Avion jusqu’à Paris, où elle est restée deux jours, puis le célèbre Palatino, et enfin l’arrivée à Rome, statione Termini.

Les couleurs, les odeurs, cette langue qui chantait à ses oreilles, et bien sûr la découverte des trésors de la ville éternelle…

Cependant assez vite un curieux sentiment s’est attaché à ses pas : tous ces regards…. elle n’était entourée que d’hommes, qui la dévisageaient, la scrutaient, la déshabillaient… la violaient des yeux. Elle choisissait des tenues des plus classiques, elle qui avait pensé faire des rencontres comprenait que ce n’était pas l’endroit pour la jouer séduction…, elle la jouait plutôt austère, se coiffait en chignon, mais avait l’impression que cela redoublait les assiduités de ces messieurs, comme une héroïne d’Hitchcock de plus en plus inaccessible et de plus en plus poursuivie. Sauf que pour elle ce n’était ni Cary Grant ni Sean Connery qui menaient la traque !

Elle s’offrait toujours les grands cafés des lieux  touristiques place Navone le plus souvent, mais ne pouvait répondre à l’invite des terrasses sur  ces petites places qu’elle découvrait au hasard des ruelles.

Cela ira mieux à Florence, se disait-elle ils sont peut-être moins latinos.  Eh bien ce fut pire encore. Le centre historique était plus ramassé, elle avait moins d’échappatoires, les trottoirs étaient étroits et plusieurs fois elle faillit se faire renverser par une vespa en voulant échapper à un admirateur trop pressant.

Elle se mit à les haïr ces hommes égrillards, hâbleurs, probablement des impuissants, des frustrés…. pour qui seule comptait l’icône de la mamma.

Et rien à voir avec ces beaux visages des fresques de Ghirlandaio dont elle pouvait à peine profiter redoutant le moment où elle sortirait de l’église ou du musée…Eh puis quel casse-tête de jongler avec les horaires d’ouverture ou plutôt de fermeture …Elle abhorrait cette phrase, véritable contre-sésame de bien des sites : « la chiesa è chiusa » et qui semblait être un calembour tout droit sorti d’un ouvrage d’italien pour débutants.

Elle avait pensé prolonger son voyage si l’occasion se présentait, - mais quelle occasion ? Elle n’avait parlé à personne hormis le personnel de service, et c’est renfrognée qu’elle prit place dans le train puis l’avion pour New York.




Elle ne remarque pas tout de suite le passager qui s'assoit à côté d’elle…Sa mine boudeuse se détend quand elle commence à le regarder. Regarder un homme, quel plaisir ! Plaisir interdit depuis qu’elle avait été un centre d’attractions permanent. Celui-ci est beau, blond châtain, des yeux marron aux  reflets presque dorés, un vrai page de Mantegna. Il lui parle, et là son désir de plaire, de lui plaire, s’efface devant son besoin de communiquer, les vannes s’ouvrent, elle lui raconte son voyage en omettant les passages déplaisants.

Il va à New York pour une exposition qu’il va mettre en place à l’automne, il est Italien, rejeton d’une vielle famille aristocrate déchue, lointain parent avec Visconti…, il s’appelle Antonio et il partage son temps  entre San Francisco, où il réside le plus souvent, et New York…


Elle se prend à rêver pendant les rares moments où ils sont silencieux.  Voilà qui était comique, alors que les Italiens sont devenus son cauchemar, elle rentre aux Etats Unis avec un Italien bellissimo et cultivé qui lui plait de plus en plus, elle s’imagine déjà le rejoindre à San Francisco.

Il s’est assoupi et elle ne peut détacher les yeux de ce profil, elle remarque alors son élégance, une élégance discrète et pas tapageuse, qui dénote du bon goût et l’argent qui va avec.

Peu avant l’atterrissage il lui demande si quelqu’un l’attend à New York, elle sent son cœur s’emballer, il va lui demander de la revoir, son adresse, lui proposer quelque chose, elle ne sait pas quoi, s’énerve un peu et bafouille qu’elle doit prendre une correspondance pour Boston.

Elle l’entend dire que son amie sera là et elle redescend sur terre plus vite que l’atterrissage. Que croyait-elle pauvre illuminée, un beau mec comme ça ! Elle essaie de cacher sa déception, ils attendent leurs bagages côte à côte en silence.

Quand ils sortent de l’aéroport, elle voit s’élancer vers lui une hippie toute en couleurs en tunique et pantalon flottant. Elle se sent brusquement terne à côté d’elle, mais la voix de cette amie la fait chavirer à nouveau, elle la regarde mieux,  c’est un hippy !


Antonio le lui présente comme un artiste peintre prometteur, c’est donc une relation de travail, elle en pleurerait de soulagement, elle écoute à peine son nom, mais sur son nuage de béatitude elle entrevoit quand même les regards qui s’échangent, les doigts qui s’effleurent et s’étreignent et elle comprend ! quelle nouille, quelle cruche, quelle gourde !





La nouvelle est inspirée d’une photo des années 60 où on voit une touriste Américaine la proie des regards avides des Italiens qui l’entourent et de voyages en Italie, seule ou pas.
Le titre est une référence au film de Bolognini avec Marcello Mastroiani
La photo est celle de la bocca della Verità à Rome

samedi 19 mars 2011

Lettre à la princesse

J’avais écrit ce texte quand le landerneau parisien s’était ému des attaques de Nicolas Sarkozy contre Madame de La Fayette, et j’ai d’ailleurs relu la princesse à cette occasion et ai bien plus apprécié cette fois là… comme quoi un peu de publicité ne nuit pas forcément.


Madame

Ma mie il faut que je vous narre un fait bien singulier. Il est arrivé à la Cour de France un curieux personnage, prince ou comte hongrois. Il se nomme Nicolas Sarközy de Nagy-Bocsa et tient d’étranges propos.

Il dit par exemple que dans les siècles à venir on se gaussera de l’amour courtois, encore plus de l’amour précieux, de ce qu’on appellera  ensuite l’amour romantique, bref de l’amour comme sentiment et qu’il ne restera que ce qui est visible aux yeux de tous, un amour populaire en quelque sorte, voire populiste (je ne peux pas faire la différence à ce jour mais je sens qu’il y a une nuance)  qui serait commenté dans ses moindres détails par le plus grand nombre et adoubé par la cour de l’époque, qu’il nomme les journalistes… Il affirme même que dans la Cour où il réside habituellement, où il est appelé à jouer un rôle important dit-il, il présente sa bien aimée tout simplement par son prénom avec cette phrase fort poétique je vous l’accorde « Entre C….  et moi c’est du sérieux ! ».

Les autres cours d’Europe ne sont pas épargnées par ce phénomène. Monsieur de la Rochefoucauld disait l’autre jour à Madame de Lafayette qu’un sieur de Berlusconi prenait beaucoup d’emprise à la Cour de Rome, et s’il est plus âgé que Monsieur Sarkozy, il n’en est pas moins son ami et paraît plus expérimenté.

Je suis tout ébaudi ma mie par ces divagations et d’autres que je ne saurais vous conter tellement elles me déconcertent et je ne suis certes pas un grand épistolier, comme votre amie la marquise de Sévigné.

Mais ne nous laissons point abuser  par les censeurs bouffis de moralisme qui nous entourent, les maris jaloux, les fâcheux qui prédisent que vous n’existerez plus dans les temps à venir et les vaines agitations  de la Cour.

Rien ne saurait ternir ou assombrir l’amour que je vous porte, d’autant plus fort qu’il s’entoure de discrétion et que vos yeux sont  les seuls  témoins de cette passion.

Je  vous porterai  toujours dans mon cœur et pour moi vous serez toujours ma mie, mon adorée,  ma tendrement aimée.

Votre obligé sans restriction, le duc de Nemours

jeudi 17 mars 2011

Qui ne dix mots…. qu'on sent



Lors d'un atelier d'écriture, j'ai appris l'existence du concours organisé par le ministère de la culture et de la communication afin de fêter la langue. En fait de réjouissances, ces mots m'ont inspiré des textes plutôt décalés que je  partage avec vous en ouverture de ce blog.

Les 10 mots :
accueillant, agapes, avec, chœur, complice, cordée, fil, harmonieusement, main, réseauter.


réseauter : néologisme désignant le fait de développer son réseau à des fins professionnelles.

J’en suis fort aise, et cependant quelque peu marrie… Si le ministère de la culture propose un néologisme, pourquoi celui-là, si laid, sinon pour montrer que dans ce ministère clientéliste, ce sport national, qui n’est autre que faire jouer ses relations, les cultiver, est particulièrement en honneur ? Ne serait-ce pas valoriser une pratique proche du népotisme, universelle et vieille comme le monde – « dis moi qui tu connais » plutôt que « que sais-tu faire ? ».

Ce dernier de la liste n’est pas seulement laid, il fait redondance dans le champ professionnel. Je vois bien l’employé du pôle emploi  disant à la personne en recherche de travail qu’elle n’a pas assez réseauté ! Et cela va servir tous ces petits chefs du coaching et autres qui vont se gargariser avec une nouvelle pièce rapportée du vocabulaire informatic : surfer, placer le curseur, formater…. oh qu’il est vilain ce mot, beurk, beurk !

Et les autres que peut-on en faire ? Tu ne vas pas tous les descendre quand même ?

Non je donnerai harmonieusement la main à ce complice accueillant qui me tendra un fil pour former une cordée aussi solide qu’un chœur antique et avec qui je ferais bien de joyeuses agapes et plus…. mais je ne réseauterai pas !

Tartufferie

Dorine :
Avez-vous perdu, dites moi, la parole
Et faut-il qu’en ceci je sois votre complice ?
Souffrir qu’un père un peu trop accueillant
Dispose de votre main aussi allègrement 
Pour un vilain dévot tout dévoué au vice ?

Mariane :
Avec un père absolu comment couper le fil ?
Et comment parvenir à de telles extrémités ?

Dorine :
A la hache comme pour couper une cordée !
Cela ne peut point se faire harmonieusement.
Mais si vous voulez rester dans le chœur des pleureuses
Ou même devrais-je dire dans celui des peureuses
Vous pourrez jouir des agapes de cet hymen
Par le Tartuffe vous faire reseauter pieusement
Vous prosterner devant votre père et dire amen

Références

Un fil à la patte - G. Feydeau

Premier de cordée - Frizon-Roche

Avec… le vent du nord - Jacques Brel

Celles-ci cependant faisaient devant l’Altesse debout une révérence qui allait jusqu’à la génuflexion, de manière à mettre leurs lèvres à la hauteur de la belle main qui pendait très bas et à la baiser - Proust

Sans bruit, dans l’ombre, avec le hasard pour complice  - Victor Hugo

Il faut, quand on fait le repas des agapes, envoyer les meilleurs plats à l’évêque. – Voltaire

C’était (le duc de Berryl) le plus beau et le plus accueillant des trois frères. - St Simon

Et j’entre au paradis, fleuri de rêves clairs
Où l’on voit se mêler en valses fantastiques
Des éléphants en rut à des chœurs de moustiques.  - Jules Laforgue

Vieil océan, ta forme harmonieusement sphérique, qui réjouit la face grave de la géométrie, ne me rappelle que trop les petits yeux de l’homme, pareils à ceux du sanglier pour la petitesse, et à ceux des oiseaux de nuit pour la perfection oculaire du contour  -Lautréamont

Réseauter :  néologisme ? bof !
Ministère de la Culture ? plof !

Mais laissons les mots de la fin à Raymond Queneau :

 -Vous pratiqueriez donc le néologisme, messire ?
 -Ne néologise pas toi-même : c’est là privilège de duc. Aussi de l’espagnol pinaça je tire pinasse puis péniche, du sexta hora l’espagnol siesta puis sieste et, à la place de mouchenez que je trouve vulgaire, je dérive du bas - latin mucare un vocable bien françoué selon les règles les plus acceptées et les plus diachroniques.
-         Nous voilà bien loin de l’orinologie sapientale et chrétienne. Votre science sémantique, messire, a fumet d’hérésie.  - Les fleurs bleues

Suite mythologique

J’entrevois au loin ces rivages accueillants, dans cette île où résonnent encore les agapes des chœurs glorifiant Thésée et sa complice, Ariane, qui avec sa main a déroulé harmonieusement  un fil aussi solide qu’une cordée réseautée.

Réseaustage

Je m’appelle Pauline et je suis au chômage depuis huit mois. J’ai failli m’appeler Paule, heureusement que mes parents ont changé d’avis, car je vois d’ici les quolibets de mes frères et sœurs d’infortune, à pôle emploi !

Déjà pour Pauline ce n’était pas mal quand j’étais môme, et je me souviens d’une comptine :

Pauline et Blandine
Mangent des tartines
Et des cornichons
Dans la cage aux lions

Il faut dire que j’habitais cette ville, Lyon, et j’y demeure toujours…. mais bien sur je suis prête à la quitter si un travail se présente ailleurs, on nous le rabâche assez le concept de mobilité, moi je veux bien mais avec un salaire normal, pas changer de ville, d’appartement avec un temps partiel…Temps Partiel + Mobilité = Trop Peu pour Moi.

Il y a d’autres concepts, ça fleurit tous les jours, et quand le formateur, lors de notre 36ème stage réseau et recherches, nous a dit qu’il fallait réseauter de manière rationnelle, j’ai d’abord cru qu’il plaisantait ou qu’il venait du Québec (sans accent) …et je m’attendais presque à ce qu’il nous demande de passer la vadrouille à la fin de la journée.

Eh bien non j’avais tort de sous-estimer ces penseurs, chercheurs, linguistes, ces fusionneurs de la langue et de la communication…au y’a qu’à, faut qu’on, il faut ajouter réseauter, et si tu réseautes bien tu auras un bon point !

Suite indienne :

Dans le jeu des familles divines indiennes si accueillantes où on peut perdre facilement le fil, je choisis Shiva, tu sais celui qui porte si harmonieusement le chignon et qui tient un trident dans sa main droite. Il est ascète mais aussi amateur de bringues, il disparaît parfois pour se livrer à de gigantesques agapes et plus avec des chœurs de jolies filles…
Shiva ne se lave jamais les cheveux et les ermites shadous respectent cette règle, leurs chevelures sont parfois devenues végétales et les mèches tellement épaisses qu’elles pourraient constituer des cordées dans l’Himalaya.

Shiva danse : c’est Shiva Nataraja et cette danse il l’exécute seul sans sa vieille complice Parvati.

Il ne tient qu’à un fil (de réseauter):

-maman, viens voir le funambule à la télé, il est extraordinaire et paraît si petit sur son fil
-tu sais, ce fil est un câble d’acier très solide qui pourrait faire une belle cordée en haute montagne pour des chœurs de régiments …
-oui mais là il se déplace si harmonieusement, comme un danseur avec son seul balancier à la main … qui le fait paraître encore plus  mince, il ne doit pas faire de gigantesques agapes au Mac Do !
-tu as dit qu’il était petit, c’est drôle, le funambule qui a tendu son câble entre les tours du Word Trade Center s’appelle Petit…
-il a fait ça en loucedé non ?
-oui je crois qu’il a eu très peu de complices…
-et les Américains n’ont pas été très accueillants et ont  déclenché le plan Marshall ?
-eh oui si seulement  cela avait été le seul défi sécuritaire à ces tours jumelles !…
-tu m’avais parlé d’un autre funambule qui s’appelle Denis Josselin je crois ?
-oui, et dans le livre de Colum Mac Cann, qui parle de l’exploit de Philippe Petit, il y a un Rumi, tu vois, on trouve toujours des correspondances pour qui sait fouiner un peu partout !

scuolanox e resotæ


 
Ô combien de complices dans le petit matin,    
Qui sont partis joyeux le cartable à la main,
Reprenant en chœur des chansons de cordée
Qui parlent d’agapes sur les monts accueillants,
Plus que ces bancs sur lesquels ils ont déchanté.
Si certains ont tissé harmonieusement le fil de leur vie
Les autres, avec tristesse, se sont perdus dans l’oubli !