lundi 16 avril 2012

Le presbytère n’a rien perdu de son charme ni le jardin de son éclat

la chambre jaune

J’ai revu un film d’Hitchcock, l’ombre d’un doute et c’est je crois mon préféré (et celui du Maître) avec Rebecca.

L’héroïne est une jeune fille brune (Teresa Wright, toute ressemblance avec Gene Tierney est délicieusement fortuite), très différente des blondes (bombes ?)  glacées chères au maestro où le feu couve sous la cendre ou plutôt la glace…, bref une jeune fille pure mais pas trop niaise, carrément sous le charme de son oncle (Joseph Cotten), quintessence du mal mais je ne dévoilerai pas ici en quoi il excelle, ce qui m’intéresse ce sont les rapports ambigus, incestueux, ténébreux, entre Charlie et son tonton qui porte le même prénom…
 
A la fin du film les dernières paroles de la jeune fille suggèrent qu’elle sera amoureuse de son oncle toute sa vie.
Je crois que c’est un des films les plus pervers d’Hitchcock, et cela fait du bien dans cette époque qui manque un peu de subtilités. 

Et quoi de plus agréable, par ces temps de sinistrose, de se lover au coin du feu ou sous la couette avec un bon polar. Je n’ai pas mentionné cette littérature jusqu’ici, sauf Michael Connelly quand je parlais des écrivains américains, et je n’oserai pas disserter sur le roman policier car cela m’ennuierait d’abord avant de barber les autres. Toutes les théories du genre sont réductrices et commencent souvent par la plainte : le roman policier est beaucoup lu et pas reconnu à sa juste place… quelle place ?

La seule différence est que je n’aime pas relire un polar, contrairement à certains romans, car j’imagine que le plaisir que j’ai eu ne pourra se reproduire (et bien sur cela s'est vérifié quand même car j’avais oublié avoir lu le bouquin). Les films d’Hitchcock on peut les revoir même si on connaît le dénouement.

J’aime dans le polar sa variété, son exploration des ténèbres au delà des forêts de la nuit.

Bien sur il y a les stéréotypes, Barbara Havers et  Linley, la prolo et l’aristo  (Elizabeth George), la fliquette bretonne Mary Lester bien loin d'Harry Bosch, les inspecteurs fatigués, usés, alcooliques, solitaires, irascibles, mais c’est aussi rassurant qu’ils soient fidèles à l’image qu’on attend d’eux.


Je trouve plus chichiteux certains romans noirs français croulant sous des références littéraires avec des personnages sans aucune dimension psychologique ou sociale réelle, je préfère les américains, suédois, sud-africains, anglais, chinois, islandais…et  ne goûte guère les policiers historiques. 


Et je déteste quand le coupable est en fait le policier, le shérif, la juge…quel manque d’imagination! (Seul le silence, un livre dont on a beaucoup parlé et qui commençait bien, se termine avec un épilogue tortueux ).


Une exception pour Agatha Christie : (titre du livre?)

Mais comme je voudrais qu’Hercule Poirot n’eût pas pris sa retraite et ne fût pas venu ici cultiver des citrouilles !


samedi 7 avril 2012

La petite Sophie

A l’heure où l’on lorgne du côté des petites filles[1] en rose en tout cas dans la mode et les jouets, à l’heure où la série des Martine reprend de la vigueur dans certains magasins, il est un jouet qui a fêté ses cinquante ans l’an dernier, qui n’est pas ciblé garçon ou fille, je veux parler de Sophie la girafe. 


bon d'accord c'est facile...



Savez-vous pourquoi elle s’appelle Sophie ? pas à cause de la Comtesse de Ségur, tout simplement car elle est née un 25 mai. Elle est toujours aussi pimpante et n’a pas pris une ride sur sa robe tachetée. Elle a eu un petit lifting à 20 ans pour se prêter aux normes de sécurité, sa tête a légèrement enflé et ses pattes ont été recourbées.


A l’occasion de son anniversaire Plantu a fait un dessin très drôle dans le Monde: au forum de Davos  on voit un Chinois plein de billets devant une courbe de croissance de son pays plus qu’exponentielle face à Nicolas Sarkozy disant : la Chine n’a qu’à bien se tenir ! Nous, on vient de fêter les 50 ans de Sophie la girafe (bon je laisse quand même mon commentaire, je ne savais pas si je pouvais importer le dessin) !
En 2010 la cinquante millionième est sortie de l'usine selon un processus complexe plus proche de l'artisanat que de l'industrie puisqu'il ne faut pas moins de 14 opérations manuelles pour la réaliser.

deux grandes Sophie
Monsieur Rampeau, son inventeur, spécialiste pour transformer la sève de l’hévéa par le concept du rotomoulage du caoutchouc pour les jouets (ça c’est dans la notice), a voulu fabriquer autre chose qu’un animal domestique. 

Et le grand malheur de Sophie c’est lorsque les bébés commencent à faire leurs dents !


[1] Essai démonstratif de Elena Gianini Belotti paru en 1973 sur l’influence des stéréotypes sociaux, le conditionnement des petites filles…

lundi 2 avril 2012

Notes du hasard

Il est fréquent qu’on vous parle de quelqu’un, un mot nouveau, un écrivain qui vous était inconnu, un fait historique étonnant, un lieu emblématique, un prénom… et pof, 3 fois dans la même semaine ou 2 fois le même jour, y’en a plus que pour lui ou elle ou cette chose…
 
C’est le cas de Sei Shonagon, dame d’honneur de la princesse Sadako dans le Japon du XIè siècle : ses notes de chevet appartiennent au genre soshi qui ne se mangent pas tout crus mais sont des écrits intimes sous forme de tableaux, portraits, listes, inventaires...

Un exemple :
Choses qui font battre le cœur
Des moineaux qui nourrissent leurs petits.
Passer devant un endroit où l’on fait jouer de petits enfants.
Se coucher seule dans une chambre délicieusement parfumée d’encens.
S’apercevoir que son miroir de Chine est un peu terni.
Un bel homme, arrêtant sa voiture, dit quelques mots pour annoncer sa visite.
Se laver les cheveux, faire sa toilette, et mettre des habits tout embaumés de parfum. Même quand personne ne vous voit, on se sent heureuse, au fond du cœur.
Une nuit où l’on attend quelqu’un. Tout à coup, on est surpris par le bruit de l’averse que le vent jette contre la maison.

Eh bien j’en ai entendu parler pour la première fois il y a quelques semaines.  Hier matin je tombe au chapitre « inventaires » dans ma  petite fabrique de littérature , tome 1 je précise car c’est le meilleur, que je possède depuis des lunes et qui est un bijou de ressources, d’où le libellé principal de ce blog, bref je tombe disais-je sur des listes de la compagne de la princesse et le soir dans un petit livre sur le Japon que je commence « Au Japon ceux qui s’aiment ne disent pas je t’aime » (Eléna Janvier) dame Shonagon est citée entre autres pour son appréciation sur les dents bien noircies (qui égayaient l’âme) et également dans Lire du mois dernier dans lequel le Japon est à l’honneur.

L’autre aspect semble partir de votre fait, vous exhumez un auteur, un livre, très connu mais franchement pas à la mode, carrément dans les limbes, que vous aimiez et pour lequel vous éprouvez, comme pour votre vieux nounours, un regain d’affection et ô surprise vous en entendez parler de plus en plus, un film, une pièce de théâtre, des mugs à son effigie que sais-je encore ? et vous restez là n’osant dire que vous y pensiez avant cette déferlante…j’avais plein d’exemples et maintenant que je veux les exprimer ils se défilent, ma mémoire me joue des tours et des détours comme dirait Sigmund, si j'en tiens un, il y a 3 ou 4 ans, j'avais cru "découvrir" le Requiem de Fauré et il était partout.. .


Bon là je pense à Romain Gary et particulièrement à La promesse de l’aube qui est pour moi un capolavoro dei capolavori, ça sonne bien en italien…J’ai entendu un acteur sur FI qui jouait à Paris dans une pièce tirée du livre, visiblement il aimait beaucoup Gary et peut-être que le vent Gary va se mettre à souffler…

Si c’est pour raconter plein de trucs intimes sur sa vie (sauf qu'il en connait un rayon sur l'imposture!), son fils a fait un film, il couchait avec Unetelle, aucun intérêt ; si c’est pour montrer quel grand romancier il est c’est déjà mieux et les jeunes et moins jeunes de la cité auraient bien plus à glaner dans ses pages, celles de chien blanc en particulier, que dans la grosse vague démagoulinante d’Intouchable.

 
Je transcris ce passage dans lequel Gary relate la visite d’adieu que sa mère est venue lui faire à la mobilisation, elle descend du taxi, après 5h de route,  une gauloise aux lèvres et ouvre les bras à son fils, peu enclin à ce type de manifestation devant les autres troufions.

« …elle s’exclama, d’une voix que tout le monde entendit, et avec un fort accent russe :
-         Guynemer ! Tu sera un second Guynemer ! Tu verras, ta mère a toujours raison !…
-         - Tu seras un héros, tu seras général, Gabriele d’Annunzio, Ambassadeur de France- tous ces voyous ne savent pas qui tu es !

Je crois que jamais un fils n’a haï sa mère autant que moi, à ce moment là. Mais, alors que j’essayais de lui expliquer dans un murmure rageur qu’elle me compromettait irrémédiablement aux yeux de l’Armée de l’Air, et que je faisais un nouvel effort pour la pousser derrière le taxi, son visage prit une expression désemparée, ses lèvres se mirent à trembler, et j’entendis une fois de plus la formule intolérable, devenue depuis longtemps classique dans nos rapports :

-         Alors, tu as honte de ta vieille mère ? »