vendredi 13 décembre 2013

mieux voir ça qu'être sourd!


Ce n’est pas la première fois dans ce blog que je la ramène avec l’imposture, j’ai deux alliés de taille dans ce domaine, F. S. Fitzgerald et Romain Gary.

Ce qui m’intéresse aujourd’hui c’est l’irruption du cocasse dans cette grandiose journée d’hommage à Nelson Mandela.

S’il est coutume d’assimiler le traducteur à un traître (dans la langue de Dante à cause du jeu de mots) pour préciser que celui-ci peut peiner à saisir les nuances d’une langue et les transposer dans une autre, il est plus rare de voir l’imposture s’afficher en direct à l’échelle planétaire.

Si traduire, c’est avoir l’honnêteté de s’en tenir à une imperfection allusive (Pierre Leyris) on peut dire que le 10 décembre, à Pretoria, devant le monde entier, le traducteur en langue des signes s'est montré d’une honnêteté à couper le souffle, s’agitant et se contorsionnant sans déflorer les discours préparés par ou plutôt pour les grands de ce monde.


Et quand il évoque ensuite une crise de schizophrénie il me semble qu’on entre dans une autre dimension et je laisse volontiers le paquet à un psy pour le décodage…


Une note finale enjouée avec le rire tonitruant de Desmond Tutu qui nous rapproche aussi de celui que les Sud-Africains surnommaient Tata.










mardi 10 décembre 2013

les lumières de la ville



Cornell hôtel de la plage
Leonor Fini

Hier au soir je suis descendue de ma colline pour aller faire un tour à la fête des lumières, j’aurais mieux fait de m’abstenir car j’ai eu très froid, rien ne m’a emballée sauf l’expo sur les surréalistes à New York que je suis allée voir avant de me geler le nez et le reste place des Terreaux où j’ai attendu longtemps que les façades se colorent et s'animent… Je porte un jugement rapide car je n’ai pas vu grand chose ensuite, pressée de rentrer chez moi me mettre sous la couette. Les grands spaghettis de la cour de l’Hôtel Dieu étaient assez rigolos mais j'ai préféré Joseph Cornell et les autres de la bande et si le musée St Pierre était hier un refuge pour les touristes qui attendaient 18h que le sapin s’illumine c’était aussi un beau cadeau surtout deux petits Dali, l'horizon oublié et image paranoïaque-astrale.

 

 

 

 

Aujourd’hui je suis clouée par le rhume et gestion des stocks oblige j’ai fait du pain, rien d’extraordinaire sauf que j’aime faire la pâte, de préférence avec une farine normale pour pouvoir la pétrir à la main le temps que je veux.

une belle miche
Tout ça pour  dire que j’aime aussi les termes liés à la fabrication du pain même si je ne sais pas toujours ce qu’ils recouvrent.



·        le frasage

·        le pétrissage

·        le passage en tête

·        l’étirage

·        le façonnage, le boulage, la clef

·        la grigne

·        le coup de buée

·        le resuage

·        ne pas oublier de dégazer le pâton 

·        et un peu d’huile de coude que diable!


Je termine avec un petit rappel, le poème de Victor Hugo pour tous le pain et la lumière,  publié dans une note de décembre 2011 et toujours d’actualité.


pleine lune d'octobre, pas d'illumination mais un peu de fantastique



vendredi 29 novembre 2013

Mais qu'allais-je faire dans cette galère?

Après bien des hésitations Sganarelle décide d'écrire à son créateur ...

 Monsieur Molière

Excusez la liberté que je prends, je sais que vous avez beaucoup de travail, que la Cour est toujours avide de nouvelles pièces, mais je voudrai mettre un peu les choses au point, soi dit sans vous offenser.
Je ne viens pas ici faire le fâcheux ni me plaindre, je l’ai déjà fait plusieurs fois auprès de mon maître, et cela n’a fait qu’empirer les choses, voire me rendre plus ridicule encore. 
Je souhaiterais que vous m’expliquiez pourquoi VOUS qui avez peint tant de servantes et de valets sous des traits agréables, qui leur avez donné des caractères vifs et intelligents, pourquoi m’avez-vous confié ce second rôle si ingrat ?
Dans Tartuffe Dorine est dégourdie, rusée, elle pousse Marianne à la révolte et à la désobéissance, c'est elle qui tire les ficelles et démasque Tartuffe.
Même dans le bourgeois gentilhomme et le malade imaginaire les servantes sont malignes comme tout ! Et ce ne sont pas des comédies pour les grands seigneurs lettrés, presque des farces !
 Et là dans ce Don Juan où vous vous éloignez de la bouffonnerie (et si mon maître n’allait pas périr en Enfer à la fin je ne sais ce qu’il adviendrait de vous comme auteur) eh bien vous trouvez le moyen de mettre face à ce Monsieur fier, arrogant, orgueilleux et impie un véritable benêt assorti d’un couard, tout juste bon à comptabiliser les conquêtes amoureuses de ce libertin et à ramasser les pots cassés, et il y en a de la casse !
Du coup je suis sur que je contribue à rendre Don Juan sympathique parce que le public doit se dire : « d’accord Don Juan est un drôle de coco, mais Sganarelle en tient une couche ! ».
Si je suis censé représenter le peuple vous donnez une image de celui-ci qui n’est pas digne d’un auteur qui n’a pas toujours fait des courbettes aux grands de ce monde.
Voilà monsieur Molière je me suis beaucoup épanché, j’espère que vous n’en serez point froissé mais souvenez vous que je porte un nom illustre et que la Comedia dell’Arte vaut bien la Cour de France.



                         Je vous salue bien bas Monsieur
                             Votre obligé Sganarelle

jeudi 7 novembre 2013

La vie des mots, l'amie des veaux



 
Deux vaches dans un pré de l’Aubrac, elles aiment papoter, elles s’engueulent parfois. Ce sont des privilégiées, vouées à la reproduction, belles robes caramel et elles ont des cornes. Elles savent bien que certaines de leurs congénères sont mutilées, elles ont vu dans un pré voisin du leur un grand troupeau de vaches écornées. J’ai surpris certains de leurs dialogues, ils sont savoureux.

-on rumine, ma chère, on ressasse, mais commençons par une bonne nouvelle, Bill de Blasio est élu maire de New York, et tiens savais-tu que ressasser est le plus long palindrome de la langue française ?
-tu me broutes j’ai oublié ce qu’était un palintruc malgré les nombreux cours que tu as du me faire, par contre je me souviens de la contrepèterie « le mot vache, le veau mâche »…
-c’est tout simplement un mot qui se lit dans les deux sens. J'ai appris ça par ma copine bretonne qui est passionnée par tous les jeux de mots de la lande.
-a-t-elle acheté un bonnet rouge pour aller manifester ?
-je préfère ne pas le savoir, je ne veux pas me brouiller avec elle
-ni avec ta copine suisse qui a un compte chez UBS…
-tu charries c’est pas ma copine, on a fait connaissance quand elle est venue m’interviewer sur le pèlerinage
A Dwarka
-elle pourrait aller voir nos maigres consœurs indiennes, y’a de quoi faire dans ce domaine, pèlerinage et méditation sont les deux mamelles de l’occident fatigué; sais-tu qu’il est question d’introduire la méditation à l’école maternelle ?

méditation au pays basque
-je ne savais pas, c’est la suite logique des débats bouseux sur l’altruisme je suppose. Ce sont des zâneries, je  préfère aux petits zen des veaux chez qui on éveille ou réveille la curiosité et on développe l’esprit critique.
-pourquoi pas des veaux philosophes pendant que tu y es !
-mais j’y suis, si le petit se détache du troupeau, des meuglements de ses parents, parle de plus en plus en son nom, ne bave pas sur le pré plus vert d’à côté et écoute les autres, il est bien loin du veau gras et lisse élevé sous la mère et il peut s’arrêter de temps en temps de regarder passer les trains et de ruminer.
-ah bon et pour quoi faire ?
-eh bien penser maintenant !



mercredi 9 octobre 2013

volent volent volent jolis papillons...


Que sont donc ces temps où parler des arbres est presque un crime
Puisque c'est faire silence sur tant de forfaits!
Berthold Brecht, à ceux qui viendront après nous

Oui mais parler des forfaits c’est sans fin, Lampedusa évoque aujourd'hui plus un film noir que le guépard, la liste du dérisoire est toujours actualisée, une photo familiale matchée de la cérémonie du thé devant le petit château de Sieur Fillon et hier sur la 2 à propos de Matthieu Ricard on voit une femme qui était  arrogante, méprisante, qui est devenue gentille, dit bonjour à son boulanger… et M.R. de surenchérir que c’est prouvé scientifiquement, qu’on peut vivre plus longtemps si on est altruiste… c’est à pleurer ! Finalement à trop faire dans le consensuel on dérive vite sur la rive opposée.

Eh bien indirectement je vais parler des arbres.

Qu’est-ce qui est orange, pèse moins d’un gramme et entreprend chaque année un immense périple pour hiverner ?
C’est le monarque, un papillon aux ailes nervurées de noir et tachetées de blanc.
J’ai découvert cette fabuleuse migration dans le roman de Barbara Kingsolver dans la lumière et cette étonnante correspondance entre le Canada et le Mexique.
Un petit résumé des faits avec des lacunes sûrement, les sources du net n’étant pas toujours claires et parfois contradictoires.
La génération de lépidoptères née vers la fin de l’été est celle qui entame le voyage de l’Ontario vers le nord du Michoacan, à 200km à l’ouest de Mexico dans une immense forêt d’altitude de cyprès, pins et grands sapins. Ce papillon migrateur est aussi un planeur qui se laisse porter par les courants aériens ascendants pour franchir les montagnes et un insecte qui se met en diapause de la fin de l’automne au printemps et si une seule génération fait le voyage aller, plus la pause, ce qui fait une durée de vie de 7 à 8 mois, il faut plusieurs générations pour le come back, les autres générations vivant en moyenne 2 mois.

Ils se reproduisent en mars, à la fin de la période d’hibernation. Pendant le voyage vers le nord ils pondent leurs œufs sur des plants d’asclépiade. Ces plantes contiennent des alcaloïdes toxiques pour de nombreux animaux. La chenille consomme les feuilles de la plante, emmagasine les cardénolides, un stéroïde, ce qui la rend indigeste pour les oiseaux.
Un autre papillon fort ressemblant au monarque, le mimique, est comestible mais du coup dédaigné lui aussi par les prédateurs.
C’est la fournée des œufs pondus entre le Mexique et le Canada qui revient en général en juin, plusieurs générations se succèdent avant d’atteindre le Canada.

Comment les papillons retrouvent-ils ces lieux qu’ils tapissent d’orangé et les mêmes troncs sur lesquels ils s’agglutinent…, j’ai lu des choses sur les horloges « circadiennes » de leurs antennes mais on ne va pas demander aux anguilles pourquoi elles quittent les froides rivières d’Europe  pour frayer et mourir dans la mer des Sargasses!













jeudi 5 septembre 2013

voyage au bout de ma rue



J’aime me balader dans ma ville avec le regard d’une touriste, je descends de ma colline proche de Ste Foy à pied jusqu’à St Irénée, St Just puis St Jean, aujourd’hui j’ai acheté un sandwich à la buvette St Antoine, j’ai pris le vaporetto pour la prima volta à St Paul  (puisque je l’ai loupé à l’arrêt reporté passerelle St Georges !) jusqu’à la Confluence, ça change des St Glinglin et St Meu-Meu (au Québec), l’article apporte une touche de modernité un peu précieuse… Je chemine un moment avec un trio de touristes belges en direction du pont Raymond Barre déposé hier mais nous abandonnons de concert, il fait trop chaud en ce début d’après midi, ils en ont sûrement plein les pattes et moi aussi point barre!

sous le pont Kitchener


Le centre commercial a toujours aussi peu de charme mais le site lui donne un peu d'éclat et j’aime le trajet, à pied ou en tramway, jusqu’à Perrache, on passe devant l’église Ste Blandine, non non ce n’est pas pour la sainte parité, et un bel endroit, les archives municipales.

quai Rambaud SBM



Et ce voyage pas loin de St Pénate ne présente pas les inconvénients des grandes aventures rêvées qui s'échouent parfois sur la sainte Triviale Réalité!



lundi 12 août 2013

Canada doux


Loin des plages et plagiats, un petit tour à travers les grands espaces du Québec et sa langue, mélopée savoureuse aux sourdes modulations…

Montréal et ses contrastes, d’abord celui de la température, 45° un jour où on passait du four au frigidaire, voire congélateur avec la clim. Un orage soudain et violent a tout assombri donnant à la ville des airs de  Delhi sous la mousson.
Contraste entre le look touriste bermuda et le look (pardon pour le mot anglais) vintage de certaines autochtones, j’en ai vu une carrément Shirley (et Dino).
Contraste entre les églises et les immeubles de verre mais surtout entre la province et le moderne.
Un festival juste pour rire qui s’accordait bien à l’ambiance joyeuse et chapeau pour les artistes surtout celles haut perchées !

Si on tient à aller aux vues on peut prendre des places pour le festival des films du Monde. 
Un type avec une pancarte en plein centre « J’ai sauvé le monde d’une 3ème guerre mondiale, aidez moi SVP à continuer mon œuvre ».
Un tableau au musée des Beaux-Arts, ours blancs dans l’océan (Thomas Faed), je n’ai pas trouvé de reproduction mais j’ai noté le texte qui l’accompagnait :
Nous avons été les premiers à nous avancer sur cette mer silencieuse.

Une mention pour les camions, différents mais aussi beaux que les TATA et leurs cousins pakistanais  et la photo d’un camion pompier bien astiqué de Montréal.




vallée de la Matapédia











Un train chemine dans la nuit
Il nous emmène en Gaspésie
Et pourquoi les maisons sont-elles si jolies ?
Parce qu’elles sont repeintes pendant la nuit


On termine par Québec mais avant un arrêt dans la petite bourgade de Pohénégamook, au bord du lac du même nom et son petit pont de bois international.


La fresque murale de la vieille ville a une forte parenté avec celles de Lyon et ce n’est pas purement fortuit.

J’aime quand la serveuse du Rose Café me demande ce que je veux comme breuvage, quand on me dit que ça goûte bon, qu’on peut prendre de l’eau à l’abreuvoir dans le train, se sucrer le bec avec du sirop d’érable et de la tarte à la ferlouche au petit déjeuner, acheter mes clopes dans une tabagie, voir des petits flots qui ont la guedille promenés dans leur carrosse, chercher ma pâte à dents sur ma vanité, zut j’ai oublié ma débarbouillette sur le bain ancien sur pattes, aujourd'hui j'arrête pas de tataouiner et touche pas à mon t'chum ça a t-y pas de la gueule !
Et les Tabarnakos tabarnak ? c’est le nom donné aux Québecois qui fréquentent les plages du Mexique



                                   le café des artistes à Gaspé, "bout de la terre" en micmac

dimanche 7 juillet 2013

Paul et Minc


Sont dans un bateau… après la copie musicale, l’envol d’écrits dans les bibliothèques, un petit tour d’horizon, limité j’en conviens, sur le vol de phrases, paragraphes, pages entières puisés ça et là qu’il est pourtant si facile de repérer aujourd’hui…

Le premier c’est Alain Minc avec, cela ne s’invente pas, l’homme aux deux visages, destins croisés de Jean Moulin et René Bousquet, et pour ce dernier il va largement au marché dans la biographie de référence de Pascale Froment. Il pille carrément certains passages et reprend allégrement à son compte des citations qu’elle avait recueillies au terme d’une centaine de rencontres, d’entretiens et 600 pages publiées.
Toujours le même auteur, Spinoza, un roman juif, paru en 2001, avait bien  des airs de Spinoza, le masque de la sagesse de Patrick Rödal, publié en 1997.

l'original déjà un délice...
 

la parodie et le détournement délices de l'emprunt créatif



Le deuxième c’est un critique littéraire médiatique, directeur du magazine littéraire, directeur-adjoint de Marianne, Joseph Macé-Scaron dans son ticket d’entrée, qui traite des gloires et déboires du monde de la presse. Ses déboires à lui ont commencé quand un lecteur s’est aperçu, en prenant l’ouvrage de J.M.S., que  certains passages, à peine modifiés, étaient dans le roman qu’il venait de finir, American rigolos : Chroniques d’un grand pays de Bill Bryson (il n’a pas du trouvé très rigolo d’être démasqué).


mais un bien bel endroit...
"Aussi quand tu partis, Yvonne, j'allai à Oaxaca. Pas de plus triste mot..." personne ne plagie Au-dessous du volcan, ben pourquoi?



Le troisième est le rappel d’une célèbre affaire, la bicyclette bleue de Régine Deforges contre les ayants-droits du best seller de Margaret Mitchell, Autant en emporte le vent.
La première instance s’est prononcé favorablement pour les ayants-droits, le juge ayant constaté une nette ressemblance (l’intrigue, les personnages…).
touche pas à mon vélo!
La cour d’appel s’est prononcé en faveur de Régine Deforges, le juge estimant que les différences étaient caractérisées.
Les ayants-droits ont renoncé aux poursuites après 2 jugements en cour d’appel et 2 en cour de cassation au bout de sept années de luttes acharnées (ça c’est moi qui rajoute !).

Côté cinéma, j’ai déjà fait allusion dans ce blog à Rivette qui n’avait pas noté son emprunt servile à Henry James pour Céline et Julie vont en bateau. Cela a été rétabli de nombreuses années plus tard. Pour L’effrontée de Claude Miller, je me souviens d’une polémique, légère, comparée aux étripages actuels, peu après la sortie du film. Il niait s’être inspiré de Frankie Addams de Carson McCullers…là aussi c’est rétabli…la toile salit mais elle peut aussi blanchir ou les deux à la fois.
Les producteurs et le scénariste de Joséphine ont été accusés de plagiat et le plaignant veut faire retirer le César du meilleur scénario, cela ne donne-t-il pas des idées de scenariiiiiiiiiis…

J’imagine les ayants-droits, surtout ceux qui se la coulent douce avec les rétributions d’œuvres célèbres, je les imagine à l’affût, n’hésitant pas à payer une armée d’espions pour débusquer d’éventuels copieurs, lisant d’interminables bouquins pour découvrir sous les pavés le plagiat…

Je n'ai guère de sympathie non plus pour des gens comme Minc ou PPDA qui peuvent se défendre d'une lamentable manière en disant "c'est pas moi, c'est mon nègre qui a mal fait son boulot!".

J’ai encore moins de sympathie, c’est même un euphémisme poli, pour le vol de la vie des autres. C’est à ce jeu malsain que s’est prêté Christine Angot, dans un livre récidive, les petits. Elle a été condamnée par jugement le 27 mai pour atteinte à la vie privée, jugement remarquablement motivé (toujours les chroniques judiciaires de Pascale Robert-Diard comme référence) ; il rappelle les deux principes fondamentaux, celui du respect de la vie privée et celui de la liberté d’expression, il souligne cependant que le plaignant (celui qui se plaint d’une atteinte à la vie privée) doit établir que cette atteinte et le préjudice qui en découle sont d’une « particulière gravité ».


J’ai emprunté la forme de ce qui suit à une poétesse libanaise, Vénus Khoury-Ghata, dans son recueil « Je pars en nuage »

De peur qu’elle n'oublie sa promesse
Elle l’enferme dans une boite

De peur qu’on ne lui reproche d’être gourmand
Il avale tout le pot de confiture

De peur que ses fleurs ne s’étiolent
Il leur chante sous la pluie

De peur qu’elle ne révèle son secret
Il lui coupe la parole

De peur que ses idées ne fuient
Il les grave dans son cerveau

De peur que le loup ne le mange
L'agneau s'enduit de peinture noire

De peurs que ses rêves ne s’envolent
Il leur construit une cage dorée

De peur que cette nuit ne finisse
Il accroche des étoiles au plafond
Et convoque Shéhérazade

mardi 11 juin 2013

Trois films made in USA


Pour reprendre la main, qui rechigne à prendre la plume, un petit billet de cinéma avec le film de Jeff Nichols, Mud, sur les rives du Mississippi, deux adolescents, le fleuve, la découverte d’une île, dans cette île un bateau échoué dans un arbre et dans ce bateau un homme…

Le film de Robert Redford, sous surveillance, ne faisait pas partie de la sélection cannoise, il donne l’occasion de voir deux actrices, Susan Sarandon et Julie Christie et fait resurgir du passé le Weather underground. Ce groupe d’opposition à la guerre du Vietnam s’appelait initialement les Weathermen en référence au  weatherman de la chanson de Bob Dylan subterranean homesick blues

 you don’t need a weatherman to know which way the wind blows


Je ne sais s’il pleuvait à Cannes pour le film d’ouverture mais c’est l’occasion de s’abriter un moment chez Gatsby dans sa propriété de Long Island, c’est la fête, le champagne coule à flot, les plateaux de coktails circulent dans les jardins bleutés. Peu importe que le film de Baz Luhrmann soit fidèle ou non au livre, à quoi bon radoter et comparer, plus grand monde se souvient du film avec Robert Redford et Mia Farrow. 

La demeure de Gatsby, cette maison où il offrait à tous les phalènes de passage la splendeur d’un ciel étoilé  serait un peu encombrante pour figurer dans la rubrique de Manderley, ne serait-ce que parce qu’elle est trop réelle et qu’elle peine à refléter son rêve, cette petite lumière verte à la pointe de la jetée de Daisy.

"Gatsby le Magnifique c'est l'histoire d'un mec né dans une famille de bouseux qui croise le chemin d'une blonde pétée de tunes et qui mettra tout en oeuvre pour la faire rêver, jusqu'à se travestir" dit le blogueur Moncinéma.
Fitzgerald, sous le nom de Thomas Parke d'Invilliers, un des personnages de l'Envers du Paradis, écrit cet épigraphe:
Coiffe-toi donc du chapeau d'or, si ça doit l'éblouir;
Si tu sais bondir comme un acrobate, fais-le devant elle;
Qu'elle s'écrie enfin:"O amant coiffé d'or, amant aux bonds d'acrobate, 
Tu dois être à moi!"


On peut s'éclipser doucement, pas besoin de refermer la porte, et pour ceux qui n’ont pas lu le roman, je laisse le soin à Bernard Franck de vous allécher « …dépêchez-vous de lire Gatsby le magnifique, la grande maison de West Egg avec ses vingt hectares de pelouses et de jardins, sa piscine de marbre, son lierre vert cru, va bientôt se rallumer et être envahie par des gens impossibles. Profitez du calme. »

samedi 11 mai 2013

La geste de Persée


Danaé et Persée recueillis par un pêcheur
Persée est le fils de Danaé, enfermée par son père Acrisios, à qui l’oracle avait prédit qu’il serait tué par son petit-fils. Zeus parvint à s’unir à elle, sous la forme d’une pluie d’or…plus tard réfugiés sur l’île de Sériphos, la belle Danaé attire les hommages de Polydecte, le roi de l’île, qui cherche à se débarrasser de Persée et lui laisse entendre qu’il souhaite plus que tout comme présent à son prochain mariage la tête de Méduse.

Et elles sont trois, les gorgones; elles ont des ailes.
Une chevelure hérissée de serpents et funeste aux mortels.
Leur vue enlève à l’homme le souffle de la vie.

Ce petit préambule pour planter le décor, la consigne étant les réflexions de Persée, un arrêt sur image avant d’occire le monstre.

Jusque là Persée ne s’était jamais arrêté pour réfléchir ou prendre une décision, tout semblait couler et découler de ses actes qui s’enchaînaient dans une suite logique. Et là le dernier enchaînement lui parut comporter une anomalie, pourtant c’est lui ce grand nigaud qui avait proposé à Polydecte de lui rapporter comme présent la tête de Méduse. En même temps il se dit qu’il était temps de quitter la toge de sa maman, et trancher la gorge de Méduse c’était autre chose que répondre aux questions de la Sphynge… décidément toutes ces créatures malfaisantes étaient féminines, heureuse Athéna qui lui apportait sa clarté au-milieu de ces forces obscures. L’épreuve avec les vieilles biques, les Grées, n’a pas été si terrible, c’est leur vue qui lui foutait la trouille, un vrai film d’horreur qu’il s’est efforcé d’oublier très vite…Et pouvoir s’envoler, littéralement, pour atteindre sa destination, quel moyen merveilleux de chasser les mauvaises pensées et quel sentiment de puissance ! Pourtant en arrivant sur cette île où tout semblait mort et pétrifié, les végétaux comme les animaux, un air glacé lui a parcouru l’échine, comme un aperçu de ce qui l’attendait s’il manquait son coup. Athéna, toujours bienveillante, lui a susurré laquelle était Méduse, il l’avait bien dans son champ de vision, il avait repéré quelle trajectoire il devait accomplir pour se retrouver face à elle, il avait même anticipé comment il devait placer son bouclier, son glaive, pas de fausse manœuvre pour se retrouver pris dans le regard de la Gorgone…Ce n’est pas la peur qui le cloue sur place un instant qui lui paraît une éternité, ses sandales ne sont pas rivées au sol, c’est plutôt une hésitation qu’il vit comme salutaire et qu’il redoute aussi de voir se prolonger…car Méduse peut se réveiller, changer de place et Athéna perdre patience de protéger un tel indécis.

Non, ce qui l’interrompt dans son élan, c’est le déroulement du cours de sa vie, qui apparaît en instantané avec cette prédiction originelle, ce putain d’oracle ! Sa mère ne le sait pas, mais il la connaît l’histoire funeste…le meurtre du père ce n’est pas possible, tuer Zeus ce serait le tabou suprême et puis c’est déjà pris avec Œdipe…non lui on lui a refilé dans la grande roue du destin la carte « tuer le grand-père » dans cette loterie où les devins font la loi pour le plus grand plaisir des dieux qui s’ennuient, c’est pour cela qu’ils prennent partie pour les pôvres humains, et la sollicitude d’Athéna n’est certainement pas dénuée d’une envie de faire bisquer une autre déesse ou Zeus…et Danaé sa mère aimante , craintive, une autre carte d’un destin lié au sien.

Non il n’est pas persécuté (sic !), ses cartes joker ne sont pas des ploucs, Hermès, Hadès, Athéna, mais tout cela sent quand même à plein nez sa tragédie et il sait très bien pourquoi Polydecte, encore un jaloux, l’a envoyé sur ces rivages inhospitaliers.

Il sent au fond de lui qu’il sera victorieux, c’est une appréhension qui suspend son geste car sa victoire impliquera venir à bout de cette saloperie d’oracle, il tuera la méchante mais ensuite il ne sait ni comment ni pourquoi ce sera le tour du roi Acrisios son grand-père.

C’est là qu’une sourde révolte gronde de plus en plus fort dans ses entrailles, y’en a marre de ces oracles à la con…juste bons à faire grimper l’audimat à Delphes les nuits de pleine lune et à faire le bonheur des éleveurs de poulets. Bon d’accord le monde sera débarrassé de cette vieille toupie et de ses serpents ; mais à part son île qu’elle a bétonnée du regard elle ne fait pas grand mal. Et savoir qu’elle existe permettait (tiens il se parle au passé comme s’il l’avait déjà occis) au moins de localiser le mal dans un endroit précis. Une autre question le taraude, décidément ça carbure un peu trop, il aurait du naître un peu idiot, c’est moins fatigant, action !exécution ! comme cet imbécile d’Hercule, tout en muscles mais le cerveau proche de l’huître…quel est le rôle de Zeus dans tout ça ? quel est son intérêt ? violer des mortelles (séduire dit l’euphémisme) ça on a compris que c’était un dieu qui avait tout du bouc mais après où est son plaisir?... suivre les tribulations de ses rejetons, demi-dieux certes, mais souvent ballottés et fracassés dans leur existence écrite, imaginée par le divin seigneur de l’Olympe et relayée par les devins; et ces rois avides et querelleurs, de Laios à Acrisios, ne sont-ils pas les pâles doublures de ces dieux joueurs et brutaux ? A cette étape de sa réflexion Persée ne peut continuer, sa tête commence à bouillonner et il a certainement aussi chaud que l’autre avec ses reptiles hérissés… Il est temps de fermer le robinet des pensées. Ce n’est pas maintenant ni peut-être jamais qu’il peut déjouer et rejouer son destin, Hermès et toute la bande ne verraient pas d’un bon œil son retour peu glorieux de pleutre. Il essaie de ne pas se mentir à lui-même en se répétant que ce n’est pas la trouille qui l’empêche de…d’ailleurs il n’est pas empêché du tout, il se dit juste qu’avant de partir il n’a pas embrassé sa mère, trêve de sensiblerie, ce n’est pas pour autant un présage de mauvais augure. Mais s’il est, bien qu’il s’en défende, un héros conditionné par son histoire déjà écrite, il sait que vouloir échapper à son destin ne fait qu’embrouiller les cartes et se marrer encore plus ceux qui connaissent déjà la fin…

 

Alors il respire un grand coup, met son casque, prend appui fermement sur le sol, oriente son bouclier, fait un petit saut et prend son envol vers cette harpie chevelue qui n’est plus pour lui qu’un reflet de ses sombres pensées.