dimanche 7 juillet 2013

Paul et Minc


Sont dans un bateau… après la copie musicale, l’envol d’écrits dans les bibliothèques, un petit tour d’horizon, limité j’en conviens, sur le vol de phrases, paragraphes, pages entières puisés ça et là qu’il est pourtant si facile de repérer aujourd’hui…

Le premier c’est Alain Minc avec, cela ne s’invente pas, l’homme aux deux visages, destins croisés de Jean Moulin et René Bousquet, et pour ce dernier il va largement au marché dans la biographie de référence de Pascale Froment. Il pille carrément certains passages et reprend allégrement à son compte des citations qu’elle avait recueillies au terme d’une centaine de rencontres, d’entretiens et 600 pages publiées.
Toujours le même auteur, Spinoza, un roman juif, paru en 2001, avait bien  des airs de Spinoza, le masque de la sagesse de Patrick Rödal, publié en 1997.

l'original déjà un délice...
 

la parodie et le détournement délices de l'emprunt créatif



Le deuxième c’est un critique littéraire médiatique, directeur du magazine littéraire, directeur-adjoint de Marianne, Joseph Macé-Scaron dans son ticket d’entrée, qui traite des gloires et déboires du monde de la presse. Ses déboires à lui ont commencé quand un lecteur s’est aperçu, en prenant l’ouvrage de J.M.S., que  certains passages, à peine modifiés, étaient dans le roman qu’il venait de finir, American rigolos : Chroniques d’un grand pays de Bill Bryson (il n’a pas du trouvé très rigolo d’être démasqué).


mais un bien bel endroit...
"Aussi quand tu partis, Yvonne, j'allai à Oaxaca. Pas de plus triste mot..." personne ne plagie Au-dessous du volcan, ben pourquoi?



Le troisième est le rappel d’une célèbre affaire, la bicyclette bleue de Régine Deforges contre les ayants-droits du best seller de Margaret Mitchell, Autant en emporte le vent.
La première instance s’est prononcé favorablement pour les ayants-droits, le juge ayant constaté une nette ressemblance (l’intrigue, les personnages…).
touche pas à mon vélo!
La cour d’appel s’est prononcé en faveur de Régine Deforges, le juge estimant que les différences étaient caractérisées.
Les ayants-droits ont renoncé aux poursuites après 2 jugements en cour d’appel et 2 en cour de cassation au bout de sept années de luttes acharnées (ça c’est moi qui rajoute !).

Côté cinéma, j’ai déjà fait allusion dans ce blog à Rivette qui n’avait pas noté son emprunt servile à Henry James pour Céline et Julie vont en bateau. Cela a été rétabli de nombreuses années plus tard. Pour L’effrontée de Claude Miller, je me souviens d’une polémique, légère, comparée aux étripages actuels, peu après la sortie du film. Il niait s’être inspiré de Frankie Addams de Carson McCullers…là aussi c’est rétabli…la toile salit mais elle peut aussi blanchir ou les deux à la fois.
Les producteurs et le scénariste de Joséphine ont été accusés de plagiat et le plaignant veut faire retirer le César du meilleur scénario, cela ne donne-t-il pas des idées de scenariiiiiiiiiis…

J’imagine les ayants-droits, surtout ceux qui se la coulent douce avec les rétributions d’œuvres célèbres, je les imagine à l’affût, n’hésitant pas à payer une armée d’espions pour débusquer d’éventuels copieurs, lisant d’interminables bouquins pour découvrir sous les pavés le plagiat…

Je n'ai guère de sympathie non plus pour des gens comme Minc ou PPDA qui peuvent se défendre d'une lamentable manière en disant "c'est pas moi, c'est mon nègre qui a mal fait son boulot!".

J’ai encore moins de sympathie, c’est même un euphémisme poli, pour le vol de la vie des autres. C’est à ce jeu malsain que s’est prêté Christine Angot, dans un livre récidive, les petits. Elle a été condamnée par jugement le 27 mai pour atteinte à la vie privée, jugement remarquablement motivé (toujours les chroniques judiciaires de Pascale Robert-Diard comme référence) ; il rappelle les deux principes fondamentaux, celui du respect de la vie privée et celui de la liberté d’expression, il souligne cependant que le plaignant (celui qui se plaint d’une atteinte à la vie privée) doit établir que cette atteinte et le préjudice qui en découle sont d’une « particulière gravité ».


J’ai emprunté la forme de ce qui suit à une poétesse libanaise, Vénus Khoury-Ghata, dans son recueil « Je pars en nuage »

De peur qu’elle n'oublie sa promesse
Elle l’enferme dans une boite

De peur qu’on ne lui reproche d’être gourmand
Il avale tout le pot de confiture

De peur que ses fleurs ne s’étiolent
Il leur chante sous la pluie

De peur qu’elle ne révèle son secret
Il lui coupe la parole

De peur que ses idées ne fuient
Il les grave dans son cerveau

De peur que le loup ne le mange
L'agneau s'enduit de peinture noire

De peurs que ses rêves ne s’envolent
Il leur construit une cage dorée

De peur que cette nuit ne finisse
Il accroche des étoiles au plafond
Et convoque Shéhérazade