jeudi 30 janvier 2014

Brèves de comptoir


Paulo arrive en courant comme un dingue, juste au moment de l’apéro. Il nous demande de le rejoindre dans l’arrière salle. On obtempère, on attend qu’il reprenne ses esprits. On sait qu’il revient de loin, de tout là haut et qu’il a peut-être d’étonnantes nouvelles. On s’attendait à beaucoup de choses mais pas à ça !

Voilà en gros ce qu’il nous dit : le Boss n’est pas content, ni de l’état du monde, ni de ceux qui le peuplent, ni de ses émissaires sur terre, nous quoi !

Il nous en veut grave, il paraît qu'on est juste bon à refaire le monde sur le zinc du café du commerce... alors il nous donne 7 jours pour revoir notre copie, enfin la sienne, et le concept est de (re) faire un monde plus adapté, plus juste et que sais-je encore.

Il a dit « vous avez toutes les bases, on a suffisamment pointé en réunions de crise les dysfonctionnements, les aménagements possibles, vous avez été super briefés, coachés, audités, alors au boulot ! ».

On s’est regardé, consternés, car on a beau avoir des pouvoirs surhumains on sentait que ça allait être chaud. Marco a même commencé par dire que s'il fallait réparer les erreurs de genèse du Boss on n'était pas sorti de l'auberge! Paulo a senti le flottement, il a pris la tête des opérations, la jouant maïeutique.

"Bon les mecs on va se répartir en 5 groupes à thème et nous mettrons en commun nos réflexions, nos préconisations, nos questions en nous servant du texte fondateur".

Je vous passe les débats en petits comités, fastidieux, mais ce n’était pas une mauvaise idée, sinon on se serait empoigné et on y serait encore !


Sur le bla-bla du 1er jour pas de problème, le Jour, la Nuit, rien à redire, surtout que c’est plutôt la terre et le soleil qui font tourner le manège.

Le 2ème jour, pour le Ciel, idem, il ne viendrait à l’idée de personne de le décrocher et de changer le décor.

Le 3ème jour, eh bien ça pousse toujours parfois dans tous les sens et même dans le mauvais sens.

4ème jour : c’est une redite du 1er et 2ème jour, le Soleil, les Etoiles…on va peut-être faire appel au plus poète d’entre nous pour louer le Boss et sa création, ça peut toujours servir surtout si ça se gâte par la suite.

5ème jour : les bestioles ; bon on sait maintenant qu’il n’y a pas besoin de déluge pour que des espèces disparaissent, mais là on est coincé on ne peut faire réapparaître les disparues, Jurassic Park c’est bon pour le cinéma.

A partir du 6ème jour les discussions ont commencé à devenir serrées et les esprits à s’échauffer.

Mado, en particulier, n’avait de cesse de réclamer de mettre à la poubelle cette histoire de femme tentatrice et de serpent.

« Enfin les mecs réveillez-vous ! Si vous voulez faire une révolution dans la genèse, ou si ce mot vous fait peur, apporter au moins un grand souffle d’air, admettez qu’il faut commencer par là !

Finies les femmes démoniaques, succubes, incubes et incultes qui chassent les pauvres hommes du jardin des délices. Rappelez vous que chez les Grecs, dans leur bible d’avant Zeus, les hommes vivaient heureux avec les dieux, pas de femmes…ils ont fait mieux que nous avec la vierge Marie !

Je suis sure que cela permettra d’avancer et qu’au moins une religion monothéiste fera figure d’exception et espérons le de précurseur si elle reconnaît que la peur de la femme a dicté ses règles ».

Elle a continué comme ça pendant un jour ou deux et on s’approchait dur des échéances, ouh là là …

Puis on s’est dit tant pis si on est pas tous d’accord, il fallait se mettre à rédiger, on verrait ensuite pour élaguer, étayer, ajouter, retrancher, faire des compromis…

le pays du faux soleil levant
Pour le ciel, la terre, les étoiles, le soleil on avait dit « rien à redire » sauf que les océans sont pollués, les forêts dévastées, les villes surpeuplées et que l’homme pense d’abord à sa terre, sa famille, ses petites affaires avant de s’ouvrir au reste du monde.

On se creusait les méninges pour pas tomber dans les y’a qu’à, faut qu’on, surtout qu'on venait de recevoir les voeux d'Ariane Mnouchkine et que dans le genre incantations pompeuses ça nous gonflait les voiles...



Et c’est là que Mado est revenue à la charge : « comme ça vous n’arriverez à rien, il y aura toujours l’avant et le constat actuel et ce sera forcément au détriment du progrès. L’état des lieux, on connaît, la religion qui progresse c’est celle de l’extrémisme et de la paresse intellectuelle. Prenons le problème sous un autre angle de vision et sortons de cette histoire de péché.

Il y a eu un premier homme et une première femme, point. On ne précise pas s’ils sont noirs ou blancs mais arrêtons nous un peu sur le dogme du péché originel, l’homme bébête et la femme fatale et voyons où cela nous a mené. »

« Ouais on ne va quand même pas mettre une petite ménagère modèle, ce serait d’un ennui mortel » riposte Luc.

« D’un ennui éternel » plutôt ironise Matthieu.

Je vous épargne le reste pour vous donner en substance le texte que nous avons rédigé.


Le premier jour nous avons discuté

Le deuxième jour nous avons listé

Le troisième jour nous nous sommes engueulés

Le quatrième jour nous avons déprimé

Le cinquième jour nous avons douté

Le sixième jour nous avons déchanté

Le septième jour on va se faire virer


Non ça c'était pour nous défouler, remarque le Boss qui a l’œil partout sait bien où nous en sommes, il doit savoir aussi que l’état du monde nécessite un diagnostic sérieux, compétent, et qu’on ne va pas boucler ça en 7 jours nom de…chien !


Mado fait un peu la gueule mais ses idées font du chemin et le soir à la soupe ça carbure fort sous les têtes chenues. Nous savons tous qu’au delà de cette histoire de péché c’est à celle du paradis et surtout de l'enfer qu’il faut s’attaquer.

Et là foi de Pierrot y’a du boulot !


Et comme on est le 30 janvier
Une tite carte de bonne année