J’ai écrit cette note il y
a plusieurs jours et je me trouve bien sévère aujourd’hui avec Russel Banks
quand un intellectuel français publie « qui est charlie »… mais je
n’ai aucune envie d’écrire à Emmanuel Todd.
Et cela fait partie de mon
combat contre les ombres.
J’ai
fait connaissance avec toi sous le règne de Bone et j’ai du
bassiner pas mal de gens pour les inciter à lire ce livre dans lequel je
trouvais extraordinaire que l’auteur se mette dans la peau d’un adolescent et
que cela sonne si juste !
Dans ton dernier roman, un lointain
souvenir de la peau, tu nous montres l’exclusion féroce
de ces gamins pris dans la tourmente du sexuellement incorrect.
Et il y a eu de beaux
lendemains et American darling dans lequel j’ai
découvert un pays, le Libéria.
Le recueil de nouvelles, un
ami permanent de la famille, ne m’a pas fait une grande impression.
Je n’aurais jamais imaginé
t’écrire pour te parler de tes bouquins, encore moins que cela aurait un
rapport avec charlie hebdo…
Donc tu fais partie de
ces écrivains courageux qui défendent la liberté d’expression mais qui
s’opposent à la décision du Pen Award d’octroyer ce prix à charlie-hebdo.
Tu copines avec des fleurons de
la prose (Francine Prose) qui soupçonnent les journalistes de charlie d’être
des néo-nazis.
Tu signes cette
pétition rocambolesque, à savoir « il y a une différence entre soutenir
une liberté d’expression qui va à l’encontre de l’acceptable et récompenser une
telle liberté d’expression ». Et je ne m’étends pas sur le gloubi-boulga
qui précède, l’humiliation, la souffrance d’une population marginalisée et
rendue victime…
Bon on arrête la liste…mais toi
qui connais au moins le pouvoir des mots et celui de la déferlante médiatique
sur les réseaux sociaux tu aurais pu réfléchir davantage. Enseigner la
littérature contemporaine à Princeton n’empêche pas de se documenter sur
d’autres fonctionnements démocratiques que celui de son pays qui s’est fondé
sur la liberté religieuse (nombreuses religions, certaines très minoritaires, émigrants
persécutés en Europe…) et la France dont le fondement laïc s’est opposé à une
religion très dominante, le catholicisme.
De ton côté de l’Atlantique il
est interdit de se moquer de la religion de l’autre et de ce côté l’héritage de
l’anti-cléricalisme s’étend à toutes les religions. Charlie-hebdo s’inscrit
dans cette tradition démocratique, na !
Tu n’es pas seul dans ce marigot
d’écrivains et journalistes qui se préoccupent si peu d’une culture différente
de la leur, tu n’es pas le seul Américain, dès lors qu’il s’agit de religion, à
perdre tout sens critique et à raisonner comme un tambour de manière binaire,
le bien, le mal, le péché, la rédemption, le diable, le bon dieu… alors
charlie-hebdo, que tu connais si peu, à part quelques couvertures, ce ne
serait pas un peu le diable ?
Mais comme dit son rédacteur en
chef, Gérard Biard :
« être choqué fait
partie du débat démocratique. Pas être abattu »