mardi 5 avril 2016

Mais Pâqueu..............



Les lapins et les œufs de Pâques c’est fini, quelques soldes dans les supermarchés mais il est une expression, de plus en plus usitée, qui me rappelle le temps des cloches et du chocolat, pas celui de la recherche enfantine.

Je l’ai encore entendue à midi dans la bouche d’une journaliste de France Inter à propos de manifestants qui « dénoncent la loi travail mais pas que… ».

Je vous rassure on ne saura rien du reste, cette formule tic/toc est comme un clic/clac, elle ferme l’accès à la pensée et ne donne même pas à son utilisateur feignasse le goût de développer l’argument contradictoire qu’il promet dans sa syntaxe épurée. Cela sent son incompétence, mais pas seulement, cela frôle aussi la faute professionnelle.

Imaginons le désastre si l’épidémie gagne du terrain :

littérature : Nabokov a écrit Lolita mais pas que

cinéma : Rosalie aime César mais pas que, et avé l’accent : Marius aime Fanny mais pas que

chez le médecin : vous avez une angine mais pas que

Mistinguett : j’ai deux amours, mon pays mais pas que…

au restaurant : vous avez du tablier de sapeur, des rougets marinés mais pas que

brève de comptoir : c’est un homme qui aime les femmes mais pas que
Jérôme Cahuzac: j'avais un compte en Suisse mais pas que
musique: dans cet orchestre il y a des cuivres, des cordes... mais pas que.

Ces trois petites notes peu musicales révèlent une pauvreté langagière développée surtout chez ceux qui sont supposés maîtriser la langue, une vacuité abyssale de l’élaboration de la pensée et un mimétisme de cour de récréation.

Si on était dans le domaine de la cuisine, je dirais pour paraphraser celui qui défendait la bonne bouffe « mais c’est de la merde ! ».

Et faut-il le répéter à tous ces fâcheux, comme le fait si bien Muriel Barbery dans l’élégance du hérisson, la grammaire est « un accès à la structure et à la beauté de la langue ».

J’imagine le désarroi des journalistes étrangers comprenant parfaitement le français recevant des dépêches de « mais pas que », parfois on les trouve à l’écrit, isolés,  prétendant former une phrase!
Pas besoin de science-fiction pour évoquer Orwell:
"Le but du novlangue était, non seulement de fournir un mode d'expression aux idées générales et aux habitudes mentales des dévots de l'angsoc, mais de rendre impossible tout autre mode de pensée".

Un petit rappel de prof de français d’un autre siècle, « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement » et quelques vers de Racine pour le plaisir et la musique avant toute chose…


Pour jamais ! Ah ! Seigneur, songez-vous en vous-même

Combien ce mot cruel est affreux quand on aime ?

Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous,

Seigneur, que tant de mers me séparent de vous ?

Que le jour recommence et que le jour finisse

Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice,

Sans que de tout le jour je puisse voir Titus ?