Petite fille d’Afghanistan
déshonneur de tes parents
proclame la grand-mère paternelle
mocheté, petite visqueuse lui dit-elle
Pour toi le lait de ta mère se tarit!
Tu retournes dans ta nuit
Petite fille d’Afghanistan
Ce prologue est inspiré par une scène du documentaire de Solène Chiavon-Fioriti, Afghanes, diffusé sur France 5 dimanche 12 mars. Cette séquence dans une maternité dans laquelle une grand-mère injurie et honnit sa petite fille ne reflète peut-être pas ce qui se passe dans tout le pays, elle traduit cependant une réalité très inscrite en milieu rural, dominant. On voit plus loin une autre grand-mère paternelle hurler de joie et diffuser frénétiquement sur son portable la venue d’un garçon.
On peut se demander quel type d’homme est en devenir sous de tels auspices puisque le garçon apprendra dès la naissance qu’il est celui qui a le droit d’exister et qu’il a même tous les droits.
Et il sera nourri
Françoise Héritier, au Burkina Faso, a mis des années à se rendre compte que, quand les bébés réclamaient le sein, les mères le leur donnaient immédiatement s’il s’agissait d’un garçon mais faisaient attendre les filles.
Quand elle a posé la question on lui répondit que les garçons avaient le corps rouge et risquaient d’éclater de fureur si on ne les nourrissait pas tout de suite. Quant aux filles il fallait leur apprendre la frustration car en tant que femmes elles ne seraient « jamais satisfaites de toute leur vie ».
« Vous créez de la sorte deux variétés humaines totalement différentes dans leurs attentes » nous dit Mona Cholet dans Réinventer l’amour en commentant ce passage et Françoise Héritier rajoute
-une variété qui attendra la satisfaction immédiate de tous ses besoins et de toutes ses pulsions
-l’autre qui sera destinée à attendre le bon vouloir de quelqu’un d’autre. "C’est un dressage extraordinaire. Et cela passe par l’alimentaire ».
Et cela se transmet d’abord par les femmes !
Et cela atteint des sommets dans la transmission punitive quand des femmes, en Egypte, en Indonésie, au Mali et dans d’autres pays d’Afrique, exigent de leur fille qu’elles subissent ce qu’elles ont subi, l’excision, ou pire encore l’excision totale, réclamée bien sûr par le mari surtout pour sa nouvelle épouse, plus jeune que la première et qui doit être mutilée pour être une vraie femme !
Je ne voulais pas voir le « film » les filles d’Olfa et finalement j’ai vu cette chose hybride docu/fiction/cinéma vérité…et je sais pourquoi j’avais des craintes. Olfa, sous prétexte de protéger ses filles, n’a fait que les rouer de coups et les anéantir par des mots assassins dès qu’elles manifestaient un désir de liberté.
Un petit tour en Inde ce pays qui
fait tant rêver d’abord par le cinéma
Le film Water, sorti en 2006 et réalisé par Deepa Mehta, se déroule dans l’Inde coloniale de 1938. Son héroïne a sept ans, elle doit vivre avec d’autres veuves dans un « ashram », gynécée peuplé de femmes fantômes vêtues de blanc qui doivent mendier pour manger. L’une d’entre elles cherche à quitter l’ashram pour se marier et elle dresse contre elle l’ensemble de la maisonnée. Je crois avoir lu quand je l’ai vu que la réalisatrice avait dû le tourner au Pakistan.
Et les choses n’ont changé pour les veuves que dans les grandes villes!
Les adeptes de Krishna sont nombreux, et nombreuses, à Vrindavan. C’est la résidence du dieu, ville aux palais en ruine, aux égouts à ciel ouvert et où vivent, ou plutôt survivent, des milliers de veuves.
Si je m’asseyais sous un arbre pour vous parler du triste sort des veuves de Vrindavan, dit Kamala Ghosh, une militante locale du droit des femmes, les feuilles de cet arbre tomberaient comme des larmes.
Elle doivent chanter pendant 4 heures des mantras à la dévotion de Krishna pour avoir droit à une tasse de riz et deux roupies, les gérants de certains ashrams ont coutume de prendre les jolies veuves adolescentes pour concubines ou de les vendre aux propriétaires terriens des environs qui les monnayent ensuite aux bordels de Delhi et de Bombay.
Le titre est celui d'un essai publié en 1973 par les Editions des femmes écrit par Elena Gianini Belotti qui montre de façon claire les racines de l'inégalité entre hommes et femmes et l'influence des conditionnements sociaux surtout du côté des petites filles occidentales...
"Qu'est-ce-qu'un garçon peut tirer de positif de l'arrogante présomption d'appartenir à une caste supérieure, du seul fait qu'il est né garçon? La mutilation qu'il subit est tout aussi catastrophique que celle de la petite fille persuadée de son infériorité du fait même d'appartenir au sexe féminin."