jeudi 27 juin 2024

du côté des petites filles

 

Petite fille d’Afghanistan

déshonneur de tes parents

proclame la grand-mère paternelle

mocheté, petite visqueuse lui dit-elle

Pour toi le lait de ta mère se tarit!

Tu retournes dans ta nuit

Petite fille d’Afghanistan

 

Ce prologue est inspiré par une scène du documentaire de Solène Chiavon-Fioriti, Afghanes, diffusé sur France 5 dimanche 12 mars. Cette séquence dans une maternité dans laquelle une grand-mère injurie et honnit sa petite fille ne reflète peut-être pas ce qui se passe dans tout le pays, elle traduit cependant une réalité très inscrite en milieu rural, dominant. On voit plus loin une autre grand-mère paternelle hurler de joie et diffuser frénétiquement sur son portable la venue d’un garçon.

On peut se demander quel type d’homme est en devenir sous de tels auspices puisque le garçon apprendra dès la naissance qu’il est celui qui a le droit d’exister et qu’il a même tous les droits.

Et il sera nourri

Françoise Héritier, au Burkina Faso, a mis des années à se rendre compte que, quand les bébés réclamaient le sein, les mères le leur donnaient immédiatement s’il s’agissait d’un garçon mais faisaient attendre les filles.

Quand elle a posé la question on lui répondit que les garçons avaient le corps rouge et risquaient d’éclater de fureur si on ne les nourrissait pas tout de suite. Quant aux filles il fallait leur apprendre la frustration car en tant que femmes elles ne seraient « jamais satisfaites de toute leur vie ».

 « Vous créez de la sorte deux variétés humaines totalement différentes dans leurs attentes » nous dit Mona Cholet dans Réinventer l’amour en commentant ce passage et Françoise Héritier rajoute

-une variété qui attendra la satisfaction immédiate de tous ses besoins et de toutes ses pulsions

-l’autre qui sera destinée à attendre le bon vouloir de quelqu’un d’autre. "C’est un dressage extraordinaire. Et cela passe par l’alimentaire ».

Et cela se transmet d’abord par les femmes !

Et cela atteint des sommets dans la transmission punitive quand des femmes, en Egypte, en Indonésie, au Mali et dans d’autres pays d’Afrique, exigent de leur fille qu’elles subissent ce qu’elles ont subi, l’excision, ou pire encore l’excision totale, réclamée bien sûr par le mari surtout pour sa nouvelle épouse, plus jeune que la première et qui doit être mutilée pour être une vraie femme !

Je ne voulais pas voir le « film » les filles d’Olfa et finalement j’ai vu cette chose hybride docu/fiction/cinéma vérité…et je sais pourquoi j’avais des craintes. Olfa, sous prétexte de protéger ses filles, n’a fait que les rouer de coups et les anéantir par des mots assassins dès qu’elles manifestaient un désir de liberté.

Un petit tour en Inde ce pays qui fait tant rêver d’abord par le cinéma

Le film Water, sorti en 2006 et réalisé par Deepa Mehta, se déroule dans l’Inde coloniale de 1938. Son héroïne a sept ans, elle doit vivre avec d’autres veuves dans un « ashram », gynécée peuplé de femmes fantômes vêtues de blanc qui doivent mendier pour manger. L’une d’entre elles cherche à quitter l’ashram pour se marier et elle dresse contre elle l’ensemble de la maisonnée. Je crois avoir lu quand je l’ai vu que la réalisatrice avait dû le tourner au Pakistan.

Et les choses n’ont  changé pour les veuves que dans les grandes villes!

Les adeptes de Krishna sont nombreux, et nombreuses, à Vrindavan. C’est la résidence du dieu, ville aux palais en ruine, aux égouts à ciel ouvert et où vivent, ou plutôt survivent, des milliers de veuves.

Si je m’asseyais sous un arbre pour vous parler du triste sort des veuves de Vrindavan, dit Kamala Ghosh, une militante locale du droit des femmes, les feuilles de cet arbre tomberaient comme des larmes.

Elle doivent chanter pendant 4 heures des mantras à la dévotion de Krishna pour avoir droit à une tasse de riz et deux roupies, les gérants de certains ashrams ont coutume de prendre les jolies veuves adolescentes pour concubines ou de les vendre aux propriétaires terriens des environs qui les monnayent ensuite aux bordels de Delhi et de Bombay.



Le titre est celui d'un essai publié en 1973 par les Editions des femmes écrit par Elena Gianini Belotti qui montre de façon claire les racines de l'inégalité entre hommes et femmes et l'influence des conditionnements sociaux surtout du côté des petites filles occidentales...


"Qu'est-ce-qu'un garçon peut tirer de positif de l'arrogante présomption d'appartenir à une caste supérieure, du seul fait qu'il est né garçon? La mutilation qu'il subit est tout aussi catastrophique que celle de la petite fille persuadée de son infériorité du fait même d'appartenir au sexe féminin."

 

 

 

 

 

vendredi 19 janvier 2024

Queens of hearts

 

Quatre british ladies

Elles totalisent plus d’une centaine de prix, nominations et récompenses.

Elles sont été élevées au rang de dame commandeur de l’empire britannique.

Maggie Smith, 89 ans,  a conquis un public international avec Gossford Park (Altman), Harry Potter et surtout son rôle de la comtesse douairière de Grantham, lady Violet, dans Downtown Abbey. Au théâtre avec plus de 80 rôles  elle est passée de lady Macbeth à Desdémone et à la reine Elisabeth dans Richard III.

Dans Chambre avec vue de James Ivory (1986) elle est cousine et chaperon de Lucy  qui va découvrir dans un roman d'Eleanor Lavish (Judi Dench à l'écran), qu'elle en est l'héroïne, que sa cousine Charlotte a dévoilé une scène avec un baiser fougueux surprise sur les collines de Florence.

C'est la première collaboration entre Judi Dench et Maggie Smith, elles seront récompensées aux BAFA et aux Oscars 1987.


comtesse (douairière) de Grantham


Charlotte et Eleanor parmi les coquelicots


Judi Dench, 89 ans, a  été révélée au théâtre dans le rôle d’Ophélie. Sa filmographie est variée…James Ivory,  plusieurs films de  Kennet Branagh et Stephen Frears , elle est la reine Victoria dans Confident royal (Stephen Frears) et La dame de Windsor (John Madden), M dans plusieurs James Bond (Demain ne meurt jamais, GoldenEye…). Son emprise sur Cate Blanchett dans Chronique d’un scandale (Richard Eyre) est fascinante.


 

Lady Catherine de Bourgh

Helen Mirren, 78 ans, monte sur les planches de plusieurs compagnies dont la Royal Shakespeare Company. Son rôle d’Elisabeth II dans The Queen  de Stephen Frears lui vaut un Oscar et plusieurs récompenses pour son rôle d’Elizabeth I dans une mini-série britannique. Elle est la fée Morgane dans Excalibur (Jonn Boorman) et Mrs Wilson dans Gossford Park.


The Queen


Penelope Wilton, 77 ans, une longue filmographie de cinéma et de télévision, elle tient tête avec opiniâtreté à la comtesse douairière dans Downton Abbey dans le rôle d’Isobel Crawley (lady Merton). Elle est aussi à l’affiche dans Orgueil et préjugés (Joe Wright, 2005) avec Judi Dench.


Mrs Crawley

Un film de 2011, Indian Palace, a réuni une brochette délicieuse d'actrices et acteurs anglais, Judi Dench, Maggie Smith, Penelope Wilton, Celia Imrie, Bill Nighy et Tom Wilkinson…dans les couleurs du Rajasthan et les saveurs des épices indiennes. Je n’ai pas vu la Suite, Royale, tournée quelques années plus tard…avec l’entrée de Richard Gere au casting ou peut-être l’ai-je vue et oubliée car les épices avaient perdu un peu de leur piment.

 


 




 


samedi 21 octobre 2023

pas l'amour, plus la guerre...

 

Faisons la grève de l’amour pour forcer les hommes à faire la paix…c’est ce que propose Lysistrata aux femmes de Sparte, de Béotie, du Péloponèse…pour mettre fin aux guerres des cités grecques qui se rangent derrière l’une ou l’autre des deux rivales, Athènes et Sparte.


Calonice « Et que pourrions-nous faire, nous, les femmes, de malin ou d’incroyable, nous qui passons nos journées assises, toutes pomponnées, toutes mignonnes, avec nos petites robes safran, nos manteaux et nos belles chaussures ? Lysistrata : Eh bien c’est justement ça qui va nous sauver j’espère : les petites robes jaunes, les parfums, les belles chaussures, le maquillage, les petites chemises transparentes… Calonice : Ah bon ? Et comment ?» 

Mais ce n’est pas gagné ! quand le projet est dévoilé…Calonice « Jamais ! Je ne le ferai jamais ! Que la guerre suive son cours ! » et d’autres réactions fortes en gueule et vertes en verbe. Lysistrata réussit à les convaincre de résister par la forme passive et de mener une grève du sexe tant que la guerre durera, de s’emparer de l’Acropole, les hommes n’auront accès ni au sexe ni à l’argent nerf de la guerre.

Lysistrata n’agit pas pour son salut personnel, elle veut celui de la Grèce entière. Elle est le témoin parfois amusé, parfois agacé, des relations entre les hommes et les femmes, en particulier quand celles-ci ne veulent plus honorer leur promesse d’abstinence.

Lysistrata : Ah, les femmes…quelle belle bande de salopes ! Pas étonnant qu’on écrive des pièces contre nous ! C’est Euripide qui a raison : on est bonnes qu’à une chose…(à Lampito) Mais toi, ma petite Spartiate, si tu te mets de mon côté on peut encore tout sauver. Aide-moi s'il te plaît.

Lampito : Par Castor et Pollux, c’est très beaucoup pénible, pour des femmes, de roupiller toutes seules, sans une bite. Mais tout de même, on a aussi bien nécessitude de la paix ! Alors d’accord.

 

La comédie est jouée en 411, alors qu’Athènes est au bord de la défaite. Aristophane se fait le porte-parole de ses concitoyens, exaspérés, et imagine de laisser la parole aux femmes, à une femme, Lysistrata : « Raison ? Comment ça, raison, imbécile ? Vous preniez des décisions désastreuses et il n’aurait fallu faire aucune remarque ? (…) A votre tour d’écouter nos conseils et de vous taire, comme nous auparavant. Nous allons vous remettre sur le droit chemin. »


 

 

vendredi 20 octobre 2023

Rain on the River

 

J’ai écrit une note de blog en juin 2013 sur 3 films made in USA. Dix ans après je rajoute un petit quatrième, un film américain qui m’a éblouie, enthousiasmée quoi !

Il s’agit d’A bout de course (Running on Empty), 1988, réalisé par Sidney Lumet que j’ai vu à l’Institut Lumière, merci Thierry Frémaux !

Ce film a une résonance avec celui de Robert Redford, sous surveillance, mentionné dans la note de 2013. Tous deux font resurgir le Weather Underground, collectif américain de la gauche radicale fondé en 1969 (une trentaine de personnes sont entrées en clandestinité début 1970 et s'appuie sur un réseau de plusieurs centaines, voire davantage, de sympathisants); dès la première scène de sous surveillance l’ancienne militante incarnée par Susan Sarandon se « rend » au FBI, ce qu’elle avait envisagé depuis longtemps quand ses enfants seraient « grands ». Le prologue d’A bout de course nous montre Danny, 17 ans, qui a repéré les fédéraux et la famille repart en cavale encore une fois.  Sa mère dit plus tard vouloir se rendre elle aussi quand son deuxième fils aura grandi. En attendant c’est elle qui va anticiper la possibilité d’une autre vie pour son fils aîné.

Et bien sûr il y a River Phoenix…que j’ai découvert dans ce film (j’ai vu Stand by me récemment et peut-être il y a longtemps My own private Idaho), qui va mourir en 1993. Je ne vais pas faire pleurer les adjectifs…mais quel talent d’acteur et de musicien, sa prestation lui vaudra une nomination aux Oscars comme meilleur second rôle.

Il est appelé River par ses parents, par ailleurs membres de la secte des Enfants de Dieu, par référence au roman initiatique Siddharta et au « fleuve de la vie » de Hermann Hesse.

Le titre de cette note Rain on the River se réfère à une chanson hommage écrite par son ami musicien Hugh Cornwell, la sœur de River s’appelle Rain.