mardi 29 mai 2012

Dans le grenier


La consigne était d’écrire en temps limité un texte sur l’ailleurs,
un ailleurs familier qui surgit d’une boite aux couleurs de l’enfance…



 
Ayant poussé la porte étroite qui chancelle
Je me retrouve alors dans le sombre grenier.
Mes yeux s’habituent vite à cette obscurité,
Repèrent une boite sur le coffre aux dentelles.
Je pressens tout de suite que je vais l’ouvrir,
Elle m’intrigue, on dirait qu’elle m’appelle.
Je suis si impatiente, que vais-je découvrir ?
Trop de promptitude gâcherait le plaisir…
Tu hésites ! as-tu peur de ce qu’elle recèle ?
Ce n’est quand même pas la boite de Pandore !
Quel autre secret pourrait te bousculer encore ?
D’abord ton père qui n’était pas ton géniteur,
Ta mère qui si loin avait trouvé le bonheur,
T’avait mise en nourrice toute ta tendre enfance,
Pourrait-il s’ajouter encore d’autre souffrance ?
Ta main sur le couvercle, tu atermoies, tu hésites,
Un sentiment de crainte, d’excitation t’habite.
Tu sais maintenant pourquoi ce carton t’est familier,
Ouvert, LE parfum de l’enfance en sort par bouffées…
Le plumier en bois peint avec ses pauvres crayons,
La magnifique agate bleutée chipée à un garçon,
Les photos, les dessins, traces de souvenirs heureux,
Les bons points et surtout les grandes et belles images
Que tu recevais en classe, douce et triste enfant sage.
Preuves tangibles que tu étais bien dans leurs pensées,
Lettres, cartes par dizaines de tes parents absents,
Dis-toi que tu y as gagné en force et liberté
T’enivrant solitaire à tant de jeux ardents.
Capitaine de vaisseau sur une belle frégate
Avec comme moussaillon le môme de l’agate.
Tu as navigué sur tant de mers imaginaires,
 Les vraies maintenant te paraissent chimères.
Tu as découvert le frisson jouissif de la lecture
Suivant d’Artagnan dans toutes ses aventures,
Tremblant de rage quand il était roulé par Milady,
Tu palpitais quand l’amour était de la partie…
Et voici le ruban de cette jolie chatte grise
Qui cachait ses chatons au fond de la remise.
Dans un coin de la boite ce si petit carnet
Où tu notais le soir de merveilleux secrets.
Tu avais recopié cette chanson que tu aimais tant
Qui n’était pas vraiment du goût de tes parents :
« Mon histoire c’est l’histoire d’un amour,
Ma complainte c’est la plainte de deux cœurs… »
Même si tu sais qu’amour ne rime pas avec toujours
Qu’un autre être n'est pas la condition du bonheur,
Tu es contente, toi la timide intello à lunettes
D’avoir pu (ré)concilier littérature et bluettes. 

Le premier vers est emprunté à Verlaine, Après trois ans, Poèmes saturniens