mardi 28 avril 2020

pampille et papille


L’émission d’Alain Finkelkraut sur France culture samedi dernier feuilletait le dictionnaire des mots parfaits, mots aimés et choisis par des écrivains.

L’un deux m’a ravie, c’est le mot pampille, agréable en bouche, j’en avais les papilles émoustillées.
Késako ? …chacune des petites pendeloques, groupées en franges, servant d’ornement. Donc ce sont les gouttes qui pendouillent sous les lustres et avec pendeloques on imagine plus de la verroterie qu’un Murano…

J’associe à pampille le mot bobèche, un mot que j’ai connu peut-être avec les nombreuses soirées d’anniversaire « au travail », j’avais épaté une amie en lui demandant si elle avait assez de bobèches pour poser les bougies sur le gâteau. Alors la bobèche est un disque légèrement concave adapté aux chandeliers et destiné à recueillir la cire qui coule des bougies.

Quand j’ai accouplé ces deux mots je ne pensais qu’à leur sonorité et pourtant il n’y a pas loin des lustres aux chandeliers.

Dans un amusement d’atelier d’écriture nous avions déliré autour de deux mots avec le jeu du dictionnaire. 

Je ne me souviens plus de ce qui avait été inventé pour la grumelle : enveloppe de la fleur des graminées, formée de deux bractées. Le mot se rapproche davantage de la définition du farcin pour lequel plusieurs d’entre nous avaient dérivé vers les recettes culinaires Et nous avons dû refermer le livre de cuisine quand nous avons su que c’étaient les manifestations cutanées de la morve, les fosses nasales n’étant pas atteintes…ouf je respire !


dimanche 26 avril 2020

confinement au sérail

Roxane est l'une des cinq femmes de Usbek et sa favorite. Ce riche persan a quitté Ispahan pour Paris en compagnie de son ami Rica, leur séjour s'étend sur une dizaine d'années au cours desquelles ils font part de leurs observations à leurs proches...mais il est pressé de rentre au bercail car il y a des remous dans le sérail...
voici la dernière lettre de Roxane à son époux



Oui, je t’ai trompé ; j’ai séduit tes eunuques ; je me suis jouée de ta jalousie ; et j’ai su, de ton affreux sérail, faire un lieu de délices et de plaisirs.

Je vais mourir ; le poison va couler dans mes veines. Car que ferais-je ici, puisque le seul homme qui me retenait à la vie n’est plus ? Je meurs ; mais mon ombre s’envole bien accompagnée : je viens d’envoyer devant moi ces gardiens sacrilèges qui ont répandu le plus beau sang du monde.
Comment as-tu pensé que je fusse assez crédule pour m’imaginer que je ne fusse dans le monde que pour adorer tes caprices ? que, pendant que tu te permets tout, tu eusses le droit d’affliger tous mes désirs ?
Non : j’ai pu vivre dans la servitude, mais j’ai toujours été libre : j’ai réformé tes lois sur celles de la nature, et mon esprit s’est toujours tenu dans l’indépendance.

Tu devrais me rendre grâces encore du sacrifice que je t’ai fait ; de ce que je me suis abaissée jusqu’à te paraître fidèle ; de ce que j’ai lâchement gardé dans mon cœur ce que j’aurais dû faire paraître à toute la terre ; enfin, de ce que j’ai profané la vertu, en souffrant qu’on appelât de ce nom ma soumission à tes fantaisies.
Tu étais étonné de ne point trouver en moi les transports de l’amour. Si tu m’avais bien connue, tu y aurais trouvé toute la violence de la haine.
Mais tu as eu longtemps l’avantage de croire qu’un cœur comme le mien t’était soumis. Nous étions tous deux heureux : tu me croyais trompée, et je te trompais.

Ce langage, sans doute, te paraît nouveau. Serait-il possible qu’après t’avoir accablé de douleurs, je te forçasse encore d’admirer mon courage? Mais c’en est fait : le poison me consume ; ma force m’abandonne ; la plume me tombe des mains ; je sens affaiblir jusqu’à ma haine ; je me meurs.

Du sérail d’Ispahan, le 8 de la lune de Rébiab 1, 1720.

Montesquieu (1689-1755), Lettres persanes, 1721.



samedi 25 avril 2020

rêver et ressasser


C’est le concours des 10 mots de la langue française qui est à l’origine de mon blog, une année où ils m’avaient inspirée…ce n’est pas le cas cette année et au JOUR 40 du confinement j’ai choisi deux mots 

Rêver parce que l’impossible rêve, parce qu’étrange et pénétrant, parce que rêver de douceur, de langueur, de bonheur pour conjurer tous les y’a qu’à, faut qu’on qui  se déversent…rêver pour attraper un peu de ce temps suspendu, rêver pour l’apaisement, pour aider à penser au-delà des peurs et des pulsions, rêver pour entendre le chant des sirènes.

Ressasser, ce peut être le rêve éveillé quand cela tourne en boucle dans la tête,  quand le silence est devenu assourdissant, quand l’angoisse solitaire du jour fort semblable au précédent  ne peut se projeter que sur un lendemain identique…quand personne ne vient interrompre ce flux et ce reflux des vagues qui s’échouent sur un rivage déserté d’ennui…quand les chimères crient très fort.

Alors je me plais à rêvasser et à apprivoiser ces  mots dans les deux sens puisque ce sont des palindromes.

mercredi 8 avril 2020

ô soeur lumineuse


 
Avoir l’impression que plus rien ne poussera sur le sol aride de l’imaginaire, redouter chaque soir le renouvellement d’un jour si semblable au précédent... partir du titre du dernier livre lu et se donner quelques consignes.





Dévorer le ciel
Dénombrer les Pléiades
Décrocher la lune
Débrancher les étoiles
Détacher un astéroïde
Dévier les météorites
Déchiqueter les nuages
Déchirer la nuit
Déchiffrer le zodiaque
Dédaigner l'horoscope
Découper une éclipse
Découvrir une galaxie
Délivrer les comètes
Démêler les nébuleuses
Détourner les planètes
Dessiner les marées
Décoller la Pleine lune
Décorer la Voie lactée
Décolorer le soleil
Dépasser les années-lumière
Désirer l’aube

vendredi 3 avril 2020

The day is coming


Rafael Gomez Nieto, décédé du Covid 19 à 99 ans, était le dernier survivant de la Nueve, la première colonne à avoir pénétré dans Paris occupé le 24 août 1944 par la porte d’Italie et sur les ordres du général Leclerc. Ils étaient 160 et 146 républicains espagnols parmi eux, 146 quand ils ont débarqué en Normandie, 16 à leur arrivée à Bertesgaden.

Gomez Nieto était à bord du char Guernica. L’historienne Evelyn Mesquida écrit qu’il est un « symbole de la Nueve, un pan de l’Histoire de la libération de Paris et des Républicains espagnols ».

Le lendemain les chars Sherman de Leclerc entrent à leur tour dans Paris par le sud et l’ouest.

Passionnée par cette période de l’histoire j’ai découvert avec le livre d'Orwell hommage à la Catalogne et plus tard avec le film de Ken Loach land and freedom comment les anarchistes avaient été trahis par les communistes.

Le dernier film vu avant le confinement lettre à Franco soulève les questions de l’engagement et de la cécité des intellectuels et montre  l’ascension au pouvoir de Franco.

Puissent les leçons de l’histoire et celle de la pandémie internationale nous obliger à retrouver la mémoire, nos mémoires, pour ne plus dépendre des dictatures et forger une réelle solidarité européenne, seul rempart contre la peste brune, aussi contagieuse que le coronavirus.