vendredi 14 novembre 2014

Mathilde est revenue



la femme d'à côté, je lui ai écrit et je n'étais pas la seule, dans le cadre d'un concours organisé pas la Cinémathèque française, Télarama etc...à l'occasion de l'exposition François Truffaut;
mon lot de consolation, à part les deux places pour l'expo que je ne pourrai voir, est de publier la lettre sur ce blog...

Je t’ai écrit tant de fois depuis que nous sommes voisins, surtout pendant mes blanches nuits et jamais quand nous nous sommes fréquentés comme on disait encore à l’époque, époque bénie où je n’arrivais pas à réaliser qu’une belle fille comme toi puisse s’intéresser à moi ; je ne t’ai rien dit de mes sentiments alors…il fallait jouer à fond la décontraction de l’amour à vingt ans et puis un jour tu es partie.

J’étais sonné, je n’ai pas fait les quatre cents coups pour autant
mais je pensais à ta peau si douce et à tous les baisers donnés et volés.
Et puis il y a six mois voilà que tu t’installes dans ma vie ou plutôt sur mon palier. Bien sur nous nous vouvoyons poliment quand nous échangeons les politesses d’usage. Je me demande sans cesse si tu m’as reconnu, si tu fais semblant, ou pire, rien de tout cela, néant?


Oui je fais toujours ce rêve étrange et pénétrant d’une femme qui ne m’est pas inconnue et qui m’aime…va-t-elle le comprendre... si proche et si lointaine …


Je ne pense pas pour autant à un domicile conjugal mais à celui que nous élirons au gré de nos envies, chez moi, chez toi, chez nous...


Si j’ai le courage de te faire parvenir cette lettre je rentrerai ce soir par le dernier métro du samedi pour ne pas tourner en rond dans mon appartement à attendre que ta porte s’ouvre.
Te souviens-tu de notre passion pour Johnny Guitare et de tout l’argent de poche dépensé pour le voir chaque fois qu’on le programmait à Paris ou en banlieue. 
Lie to me…

« Dis moi un mensonge. Dis moi que toutes ces années tu m’as attendu. Dis le moi.

-         Toutes ces années je t’ai attendu.

-         Que si je n’étais pas revenu tu serais morte.

-         Si tu n’étais pas revenu je serais morte.

-         Pas une seconde tu n’as cessé de m’aimer.

-         Pas une seconde je n’ai cessé de t’aimer. »






Et si je me dégonfle encore une fois je t’inviterai au cinéma demain. J’ai vu qu’on passait au Comédia le film de Truffaut la femme d’à côté  et je me dirai tout penaud mais content de t’avoir près de moi vivement dimanche !




mardi 9 septembre 2014

chouette rentrée

Bon là je ne me foule ni pour le titre ni pour le reste et apparemment la rentrée est bien difficile aussi pour certains hauts personnages de l'Etat...

N'ayant pas très envie de fouiner davantage de ce côté je préfère faire un petit tour vers les chaussettes de l'archiduchesse toujours sèches, comme le saucisson casse-croûte du chasseur sachant chasser sans son chien et autres virelangues. J'aime bien celle là, que je me récite blottie au creux de mon arbre:

pie niche haut
oie niche bas
où hibou niche-t-il?
hibou niche ni haut ni bas
hibou niche pas
variante:
hibou niche au chaud


Ceux qui commentent l'actualité avec ce brio (je ne sais pas le nom du procédé rhétorique utilisé... tourner autour du pot sans jamais le nommer...) m'enchantent. Je ne peux pas importer la vidéo, ou plutôt je ne sais pas. Il s'agit de François Rollin et de son billet sur France Inter ce matin "un supplément de dignité", chapeau l'artiste!



lundi 7 juillet 2014

Je cherche encore un titre...



Il était normand par sa mère et breton par un ami de son père.

Une citation d'Alphonse Allais pour faire une transition avec le tour précédent et une mise en bouche pâtissière pour amorcer le suivant.

Les soeurs Visitandines fabriquaient depuis le Moyen-Age des petits gâteaux ovales et moelleux au délicieux goût d'amande mais comme la plupart de ces pâtisseries elles connurent une éclipse après la Renaissance. Catherine de Médicis et ses suivantes avaient eu une fâcheuse propension à offrir des cadeaux empoisonnés et l'arsenic ayant goût d'amande amère on se méfia pendant des siècles de tout ce qui évoquait ce fruit sec.

Vers 1890 le pâtissier Lasne remit les visitandines au goût du jour. Comme sa boutique était tout prêt de la Bourse sa clientèle se composait en grande partie de financiers. Il eut aussi l'idée de changer la forme ovale de la pâtisserie originelle pour évoquer celle d'un lingot d'or. Le financier était né. 

Il se décline aujourd'hui dans toutes sortes de recettes, oeufs entiers, blancs battus, beurre ou pas... et se coule dans toutes sortes de moules, minuscules, moyens ou gros lingots.




Pour varier le menu je cherche je cherche un peu de consistant et ce que je pourrais bien expliquer à mon fils ou à ma nièce, la faim dans le Monde c'est déjà pris, l'économie, le racisme, la république, l'immigration, la politique aussi, y'a même l'Amour de la France et les héros de son Histoire...

La joie de vivre ou son contraire difficile à expliquer, je pourrais essayer la DMLA
la piété expliquée à mes tontons
(Dégénérescence Mortifère Liée à l'Age), en écho à la Maculaire, dont on parle beaucoup actuellement, les enjeux financiers sont de beaux gâteaux pour certains puisqu'un des traitements les plus utilisés se fait sur la base de trois injections à 800€ la piquouze.


Bref la première citée m'inquiète davantage, elle est sournoise et comment en prévenir les signes venimeux, les symptômes insidieux?

Peut-être en veillant toujours, toujours, dans le menu du quotidien, à lier la sauce avec une bonne pincée d'humour sans contre-indication restrictive et à prendre le parti d'en rire...





samedi 21 juin 2014

tour normand


La deuxième débâcle électorale étant bien pire je suis allée revoir ma Normandie, et j’agrémente ce petit voyage avec quelques photos et les correspondances qui me viennent sous la plume.
  

La maison de Jacques Cœur à Bourges faisait écho à Jean-Christophe Rufin, je venais de terminer son immortelle randonnée et je découvrais qu’il avait consacré au célèbre argentier son précédent livre, le grand Coeur. L'Aiguille creuse d’Etretat habrite pour toujours Arsène Lupin et Sissi a vécu une tranche de son destin dans le château de Sassetot le Mauconduit.





La baie de Somme était bien encombrée, week end de l’Ascension oblige, carrément la foule à l’entré du parc du Marquenterre, heureusement c’était plus clairsemé dans les sentiers, rien de tel qu’une petite barque échouée à marée basse au Hourdel pour retrouver un peu d’intimité.


Amiens peut frimer avec sa cathédrale, elle est vraiment très belle; pour les hortillonnages, il faut mieux les sillonner à pied avec arrêt au bistrot qu’embarqué car c’est plein à chavirer…

sur l'eau...








Mais c’est surtout sur les traces de Maupassant que j’ai rêvassé. Quand je ne sais pas quoi lire le soir, ou que le bouquin en cours m’ennuie, j’attrape un de ses tomes de nouvelles et je suis sure d’en découvrir une que je n’ai pas lue, voire d’en relire avec plaisir. Et la Normandie est partout, son amour pour cette région affleure par bouquets de couleurs, d’odeurs, de sensations qui nous emmènent directement vers la palette de Monet.




Une dernière pour finir
Voici l'ange au sourire


lundi 12 mai 2014

sad song




Ich weiß nicht, was soll es bedeuten, daß ich so traurig bin...


Bien sur l’actualité est loin d'être marrante
Les chansons des sirènes fort discordantes
Pas si facile de trouver des mots pour dire
Encore moins ceux pour faire rire et sourire


Alors j’ai pensé à des chansons tristes parce que leur écho résonne doucement, que les petites notes lancinantes nous accompagnent parfois du mal de vivre jusqu’à… presque la joie de vivre et puis les chansons drôles ça n’existe pas, en tout cas pas pour remonter la pente quand on a le moral dans les chaussettes.


J’aime bien Summertime Sadness de Lana Del Rey pour le titre et la chanteuse, pas trop les paroles, je préfère cette interprétation mélancolique d’Alain Souchon qui a un effet doudou ou dévastateur sur moi, cela dépend de mon humeur…








ô traurig, traurig war meine Seele…

vendredi 9 mai 2014

filature à l'italienne


Le patron m’a demandé de classer mes rapports, faut d’abord que je finisse celui de Mme B. Je ne peux pas dire qu’elle m’ait spécialement donné du fil à retordre et pourtant je cale. Si je comprenais pourquoi cela m’aiderait peut-être à le rédiger, voyons, récapitulons.

J’ai eu la consigne de filer Mme B. le 14 avril, une journée de chiotte comme c’est la mode en ce moment, non seulement il pleuvait mais il faisait un sacré froid à ne pas mettre un détective dehors.

Je devais poster devant son domicile à 5h du matin; déjà furax, elle n’allait certainement pas quitter son pieu avant 9h ; mauvaise déduction, la porte de l’immeuble s’est ouverte à 6h, bien matinale pour une retraitée…Et là je l’ai eu dans l’os, elle se dirigeait bien dans le parking mais pas vers sa voiture comme je m’y attendais ; elle a ouvert une petite porte avec une clé : supposition, réaction, elle allait prendre le bus, j’ai fait fissa pour contourner l’immeuble par l’entrée principale et me pointer en haut du boulevard, l’arrêt après le sien. J’avais quand même un doute qu’elle ait envisagé autre chose mais même si elle avait pris la décision de descendre en ville à pied (étonnant avec cette aube grise) elle ne serait pas partie dans cette direction. Tout ce galimatias ne sera pas dans le rapport bien sur si j’arrive un jour à le finir…



Ouf elle était bien dans le bus quand je suis monté, je me suis assis derrière elle ; à la gare je lui ai emboîté le pas car la foule du petit matin affluait. Elle n’allait pas dans le centre d’échanges, elle s’est dirigée d’un pas assuré vers les lignes européennes et quoi ! elle prenait le car pour Turin ! J’avais l’air fin. J’ai pu avoir un billet auprès du chauffeur, je ne me suis pas assis derrière elle cette fois, pas envie de maudire cette nuque pendant des heures.

Mais qu’est-ce qu’elle va foutre à Turin, et moi donc ?

En plus j’étais affamé à l’arrivée, pas le temps de m’acheter quelque chose, elle, elle avait du prévoir sandwichs et boissons. Elle a opté d’abord pour une des grandes places de la ville où se tenait un marché forain. Alors elle venait pour des fringues ! Heureusement elle portait une écharpe très voyante, je pouvais plus facilement la repérer dans ce populo qui gesticulait et vociférait ; en plus j’avais mal aux pieds n’ayant pas prévu des godasses tout terrain pour marathon européen. Je pensais plutôt à une planque tranquille, un coin du feu comme on dit dans la maison.

Elle a acheté quelques babioles, est allée s’asseoir sur un banc pour manger un autre sandwich (j’avais de plus en plus les crocs) et regarder son plan. Elle s’est dirigée vers la cathédrale, ouf j’ai pu m’asseoir un moment, et après le musée… pas un petit truc de peintures, non non carrément le Museo Egizio. Je n’ai pas pu voir quel type de billet elle achetait, j’en ai pris un pour l’ensemble, molto caro, c’est le boss qui va être content, quoique je n’ai pas coûté cher en repas jusque là ; je suis allé me nourrir à sa suite de tombes et autres joyeusetés de l’au-delà. Le plat de résistance c’était une immense salle de statues sans oublier les momies, les scribes, les dieux à tête d’oiseau, à tête de chien, les vases funéraires, les papyrus, les Néfertiti et Toutankhamon… J’ai pris quelques photos quand elle est allée aux toilettes, avec discrétion cela s’entend, c’est quand même mon fond de commerce.

Quand elle est sortie du musée elle avait l’air un peu fatiguée, moi j’aurais pu rentrer directement dans un sarcophage tellement j’étais plombé…et ils n’auraient pas eu à me vider l’estomac pour m’embaumer, y’avait rien dedans !

lui était assis au moins
Elle a regardé sa montre, tiens cela devient étrange une femme qui regarde sa montre et pas son portable, d’ailleurs je ne l’ai pas vu sortir un téléphone de la journée. Elle est allée s’asseoir à la terrasse d’un café, sur une petite place, a pris un ristretto et une cigarette, j’ai espéré qu’elle me laisserait un peu de temps pour avaler quelque chose, mais nada une fois la clope finie, il a fallu remettre ça et comble d’horreur elle est entrée dans un cinéma, le film n'était pas sous titré, j’ai noté le titre pour mon rapport, l’innocent et même le nom du réalisateur, Visconti, ça me disait vaguement quelque chose.

la preuve que j'étais en Italie...
Après le cinoche j’avais compris qu’on était bon pour le dernier métro, arrivée 22h45 à Lyon, quelle journée, et bien mal payée pour faire un boulot pareil !

Elle a flâné encore un peu dans la rue principale, regardé les boutiques, a acheté un panini et des cigarettes et alla statione !

Une fois dans mon siège je me suis laissé aller à dormir deux bonnes heures, c’est toujours ça de pris mais qu’on ne me ressorte pas l’adage imbécile qui dort dîne...

A la gare elle s’est dirigée rapidement vers l’arrêt du 49. En montant dans le bus elle m'a jeté un regard mi-amusé, mi-étonné...c'était quand même une journée particulière!

dimanche 6 avril 2014

note allusive



Elle attaque la vie en dormant,
fait le bonheur de ses parents,
bon suffit les trucs gnan-gnan,
place à je t'emmène au vent.









Quand je recherchais quelle vidéo mettre, j'ai vu deux commentaires à propos de Léa qui m'ont fait rire:
Un internaute dit "ça résume ma copine en 3mn"
Un autre répond "pauvre gars, ça fait de la peine..."

mardi 1 avril 2014

Chronique dépassée


A l’heure de la débâcle électorale de dimanche dernier, à l’heure où France 2 diffuse le dernier épisode d’Apocalypse sur la guerre de 14, présentée par Marie Drucker comme hors normes, je pense plus que jamais aux Thibault, mentionnés brièvement dans une note précédente.

Ils m’avaient laissée au bord du chemin, orpheline mais riche de leurs pensées, de leurs réflexions, de leurs contradictions, de leurs illusions…oui oui ! je les identifie complètement à leur créateur, Roger Martin du Gard et ses pages sur la guerre, l’engagement politique, les idéaux du progrès et de la raison…sont aussi fortes que celles sur la famille, l’autorité du père, la décision de mettre fin à une agonie… et la tirade d’un ministre en 1918 sur le bien mentir (Epilogue, tome 3, page 375) pourrait (ou a du) en inspirer plus d’un.

« …bien mentir ! ce qui n’est pas toujours facile, veuillez le croire ! Ce qui exige une longue expérience, et une ingéniosité, un esprit d’invention, qui ne soient jamais à court. Il y faut une espèce de génie…Et, je peux l’affirmer : l’avenir nous rendra justice ! Dans ce domaine du mensonge utile, nous avons, en France, accompli des prodiges depuis quatre ans ! »


L’amie qui m’avait incitée à lire les Thibault me parlait de Georges Duhamel et de sa chronique des Pasquier en 10 tomes.

Je me suis dit que j’allais tenter l’aventure et je m’étonnais de n'en trouver aucun en rayon à la bibliothèque.

J’ai demandé à la bibliothécaire qui a répondu à ma question, de fort mauvaise grâce, personne genre excédée qu’on lui demande quelque chose, Duhamel c’est vieux tout ça, carrément dégoûtée, la date de péremption est largement dépassée…que faire d’une chronique du passé ?


lundi 31 mars 2014

idée marsienne


Un tour des quatre saisons
Pour une petite récréation

printemps



"Ici (au Japon), on s’émerveille à chaque printemps devant les cerisiers en fleurs, l’arbre que l’on nomme sakura, qui est aussi le nom du printemps et du renouveau de la vie." chronique d’Yves Simon dans le Monde


  été

une recette pour les soirs d’été

Voici l'époque où les cerises vont se trouver en abondance sur nos marchés; profitons de leur prix abordable pour préparer de délicieuses cerises à l'eau-de-vie. Pour cette préparation, employez de préférence la cerise anglaise, la Montmorency, la griotte d'Etampes ou la tardive de Saint-Quentin. Enlevez les queues, dénoyautez. Prendre un litre de bonne eau-de-vie à 45° et procédez de la façon suivante : absorber une dizaine de cerises d'un seul coup, boire immédiatement la valeur d'un verre à bordeaux d'eau-de-vie et continuer ainsi jusqu'à épuisement des cerises et de l'eau-de-vie. Cette méthode, qui laisse à la cerise toute sa saveur, évite l'emploi toujours fastidieux des pèse-sirop et des bocaux de verre. Pierre Dac l’os à moelle


automne


 
Haïku

Châtaignes et noisettes
Qu’il est beau le potiron
Langueur de l’automne



 

    hiver                        
La gelée

Ce matin
la Saône dans les glaces
Il y avait
Des milliers
De diamants
Dans les champs

Les gens ont dit
« C’est la gelée »
Mais moi
Je sais bien
Que c’est la lune
Qui a fait craquer
Tous ses colliers

Anne-Marie Chapouton

vendredi 7 mars 2014

Un conte de la forêt



Ma mère était très belle, mon premier souvenir est celui de son odeur, de sa chaleur, de son flanc tiède et soyeux, de son ventre qui nous nourrissait copieusement mes frères et moi. Seule femelle de la portée j’ai eu droit à quelques égards, il semble que la règle venait de mes parents et mes frères ont peu ou prou pris le pli.

Les premières semaines de mon existence je ne suis pas sortie de la tanière, deuxième ventre maternel. Quelques rais de lumière filtraient pendant la journée, rythmant les tétées, les siestes, plus tard les jeux, et quand l’obscurité envahissait notre gîte nous nous blottissions les uns contre les autres, conscients que ce cycle de lumière et de ténèbres recelait de grands mystères dont nous ne tarderions pas à être instruits.

Mon père n’était pas toujours là mais lorsque nous sommes sortis pour la première fois il était bien présent et guidait nos pas. 


Je découvris alors ce qu’était un arbre, nous logions dans le tronc d’un immense ficus. Notre première sortie était aussi un déménagement ; pour des raisons de sécurité nous devions aller plus haut et par la même occasion apprendre à grimper aux arbres. Mes frères se sont moqués de moi car la descente me posait des problèmes. J’avais tendance à agripper le tronc avec mes griffes et non seulement cela me freinait mais cela me déséquilibrait. Ma mère a compris ce qui se passait et m’a dit de me laisser aller, comme si je marchais sur le sol. J’y suis arrivée mais j’avais l’impression d’être un gros chaton pataud à côté d’elle qui semblait glisser sur l’arbre dans une ondulation d’une élégance folle.


Puis ce fut l’apprentissage de la chasse, repérer le gibier, évaluer les gains et les dangers, et comble de bonheur une totale liberté dans cette forêt que nous apprîmes vite à connaître, à aimer plus qu’à redouter.

Le soir venu nous ne nous faisions pas prier pour remonter dans notre arbre ou un autre, déjà repéré par mes parents quand la chasse nous avait entraînés loin de notre repaire habituel.

Les yeux clos, les sens encore en éveil, j’écoutais la forêt, essayant de repérer sa respiration nocturne ; j’avais envie, parfois, de me mêler à ces galops furtifs, ces halètements, ces hululements…et surtout je voulais voir les étoiles.


Ce fut merveilleux quand nous grimpâmes tous en haut de l’arbre et que nous restâmes, cette nuit d’été, à les observer, minuscules fenêtres brillantes de notre grande maison.

Je ne connaissais pas la peur, ni le froid, ni la faim.


La première, je l’ai ressentie quand nous avons du fuir au plus profond de la forêt ravagée par les flammes. Les démons de la nuit et du feu nous rattrapaient, attisés par un vent violent. Une forte pluie a stoppé net l’incendie mais quand nous sommes retournés vers notre arbre, quel désastre ! Il avait survécu mais la plupart de ses branches, surtout les plus basses, étaient calcinées.

C’est là que nous avons commencé à souffrir de la faim. Mes parents disaient qu’il fallait du temps pour retrouver de quoi nous remplir la panse correctement. La famille s’est divisée en deux, mes frères sont partis avec mon père et je suis restée avec ma mère, c’était provisoire disaient-ils.

Je ne regrette pas cette période. Ma mère, n’ayant que moi à sa charge, était moins inquiète et puis j’attrapais de temps en temps un petit animal qui suffisait à mon repas journalier. Nous pouvions contempler les étoiles presque tous les soirs, ce qui me mettait dans un état de béatitude tel que je m’endormais dès que je rejoignais le creux de mon arbre.

Deux saisons passèrent ainsi et je commençais à me languir de mon père et mes frères. C’est alors que ma mère me raconta une longue histoire, elle me parla de l’homme, le plus grand prédateur de la forêt. Je lui fis remarquer que je n’en avais jamais vu. Elle m'apprit qu’elle était née dans une forêt en lisière des terres cultivées par les humains qui avaient tué toute sa famille, elle a dû son salut à mon père, seul rescapé d’une autre portée, il l’a entraînée dans le centre de l’île et on connaît la suite…



Elle était triste lorsqu’elle évoquait cela mais toujours aussi belle. Elle mentionna d’autres hommes qu’elle avait rencontrés je ne sais comment, elle est restée un peu mystérieuse, et tout particulièrement un qui avait écrit quelque chose à son sujet. Il s’appelait Leconte de Lisle et dans son poème la panthère noire, il la proclamait reine de Java, ce qui ne m’étonne pas !


mardi 25 février 2014

les femmes qui lisent ont besoin de respirer



Le bouquin si prisé de Donna Tartt, le chardonneret, m’a donné l’impression, accrue dans le dernier tiers, de ne pouvoir respirer. Il y en avait trop…trop de branches à l'arbre et une histoire que les critiques ont déflorée ad nauseam dans laquelle le lecteur est prisonnier pendant 800 pages. Oui je sais les louanges ont été dithyrambiques, oui je sais elle a mis 10 ans à écrire son livre, oui j’avais beaucoup aimé le maître des illusions, mais le petit copain m’avait ennuyée et j'ai peiné pour finir celui-là, voilà !

Car le lecteur veut à la fois pouvoir respirer et être tenu en haleine et la lectrice que je suis aime aussi  les méandres qui conduisent d’un livre à l’autre, d’un fleuve tranquille à une rive escarpée.

J’ai découvert Sorj Chalandon en allant voir Mon Traître monté par Emmanuel Meirieu, j’ai lu ensuite la légende de nos pères et j’ai relu de beaux lendemains de Russel Banks en espérant voir un jour la pièce de Meirieu.


J’ai détesté esprit d’hiver de Laura Kasischke, un autre livre encensé par la critique mais j’arrête les mauvais points et je vous fais part de ma découverte d’hier. Je suis en train de terminer l’appel du coucou, écrit par un certain Robert Galbraith, épatée que ce soit un premier roman maîtrisant à fond la caisse les codes du polar, encore plus que Robert soit J K Rowling la créatrice d’Harry Potter !

la belle liseuse
une autre liseuse
J’ai trouvé six sens au mot liseuse avant la  chose numérique, du couvre-livre au vêtement féminin (pour lire au lit) et à la  lampe had hoc…

Il y a même la petite table à plusieurs tablettes servant à poser des livres et des revues et, on dirait un gag, une pipe à longue tige particulièrement adaptée pour la lecture.

 La littérature n'est pas née le jour où un jeune garçon criant Au loup! Au loup! a jailli d'une vallée néanderthalienne, un grand loup gris sur ses talons: la littérature est née le jour où un jeune garçon a crié Au loup! Au loup! alors qu'il n'y avait aucun loup derrière lui (Vladimir Nabokov).




la lectrice





jeudi 30 janvier 2014

Brèves de comptoir


Paulo arrive en courant comme un dingue, juste au moment de l’apéro. Il nous demande de le rejoindre dans l’arrière salle. On obtempère, on attend qu’il reprenne ses esprits. On sait qu’il revient de loin, de tout là haut et qu’il a peut-être d’étonnantes nouvelles. On s’attendait à beaucoup de choses mais pas à ça !

Voilà en gros ce qu’il nous dit : le Boss n’est pas content, ni de l’état du monde, ni de ceux qui le peuplent, ni de ses émissaires sur terre, nous quoi !

Il nous en veut grave, il paraît qu'on est juste bon à refaire le monde sur le zinc du café du commerce... alors il nous donne 7 jours pour revoir notre copie, enfin la sienne, et le concept est de (re) faire un monde plus adapté, plus juste et que sais-je encore.

Il a dit « vous avez toutes les bases, on a suffisamment pointé en réunions de crise les dysfonctionnements, les aménagements possibles, vous avez été super briefés, coachés, audités, alors au boulot ! ».

On s’est regardé, consternés, car on a beau avoir des pouvoirs surhumains on sentait que ça allait être chaud. Marco a même commencé par dire que s'il fallait réparer les erreurs de genèse du Boss on n'était pas sorti de l'auberge! Paulo a senti le flottement, il a pris la tête des opérations, la jouant maïeutique.

"Bon les mecs on va se répartir en 5 groupes à thème et nous mettrons en commun nos réflexions, nos préconisations, nos questions en nous servant du texte fondateur".

Je vous passe les débats en petits comités, fastidieux, mais ce n’était pas une mauvaise idée, sinon on se serait empoigné et on y serait encore !


Sur le bla-bla du 1er jour pas de problème, le Jour, la Nuit, rien à redire, surtout que c’est plutôt la terre et le soleil qui font tourner le manège.

Le 2ème jour, pour le Ciel, idem, il ne viendrait à l’idée de personne de le décrocher et de changer le décor.

Le 3ème jour, eh bien ça pousse toujours parfois dans tous les sens et même dans le mauvais sens.

4ème jour : c’est une redite du 1er et 2ème jour, le Soleil, les Etoiles…on va peut-être faire appel au plus poète d’entre nous pour louer le Boss et sa création, ça peut toujours servir surtout si ça se gâte par la suite.

5ème jour : les bestioles ; bon on sait maintenant qu’il n’y a pas besoin de déluge pour que des espèces disparaissent, mais là on est coincé on ne peut faire réapparaître les disparues, Jurassic Park c’est bon pour le cinéma.

A partir du 6ème jour les discussions ont commencé à devenir serrées et les esprits à s’échauffer.

Mado, en particulier, n’avait de cesse de réclamer de mettre à la poubelle cette histoire de femme tentatrice et de serpent.

« Enfin les mecs réveillez-vous ! Si vous voulez faire une révolution dans la genèse, ou si ce mot vous fait peur, apporter au moins un grand souffle d’air, admettez qu’il faut commencer par là !

Finies les femmes démoniaques, succubes, incubes et incultes qui chassent les pauvres hommes du jardin des délices. Rappelez vous que chez les Grecs, dans leur bible d’avant Zeus, les hommes vivaient heureux avec les dieux, pas de femmes…ils ont fait mieux que nous avec la vierge Marie !

Je suis sure que cela permettra d’avancer et qu’au moins une religion monothéiste fera figure d’exception et espérons le de précurseur si elle reconnaît que la peur de la femme a dicté ses règles ».

Elle a continué comme ça pendant un jour ou deux et on s’approchait dur des échéances, ouh là là …

Puis on s’est dit tant pis si on est pas tous d’accord, il fallait se mettre à rédiger, on verrait ensuite pour élaguer, étayer, ajouter, retrancher, faire des compromis…

le pays du faux soleil levant
Pour le ciel, la terre, les étoiles, le soleil on avait dit « rien à redire » sauf que les océans sont pollués, les forêts dévastées, les villes surpeuplées et que l’homme pense d’abord à sa terre, sa famille, ses petites affaires avant de s’ouvrir au reste du monde.

On se creusait les méninges pour pas tomber dans les y’a qu’à, faut qu’on, surtout qu'on venait de recevoir les voeux d'Ariane Mnouchkine et que dans le genre incantations pompeuses ça nous gonflait les voiles...



Et c’est là que Mado est revenue à la charge : « comme ça vous n’arriverez à rien, il y aura toujours l’avant et le constat actuel et ce sera forcément au détriment du progrès. L’état des lieux, on connaît, la religion qui progresse c’est celle de l’extrémisme et de la paresse intellectuelle. Prenons le problème sous un autre angle de vision et sortons de cette histoire de péché.

Il y a eu un premier homme et une première femme, point. On ne précise pas s’ils sont noirs ou blancs mais arrêtons nous un peu sur le dogme du péché originel, l’homme bébête et la femme fatale et voyons où cela nous a mené. »

« Ouais on ne va quand même pas mettre une petite ménagère modèle, ce serait d’un ennui mortel » riposte Luc.

« D’un ennui éternel » plutôt ironise Matthieu.

Je vous épargne le reste pour vous donner en substance le texte que nous avons rédigé.


Le premier jour nous avons discuté

Le deuxième jour nous avons listé

Le troisième jour nous nous sommes engueulés

Le quatrième jour nous avons déprimé

Le cinquième jour nous avons douté

Le sixième jour nous avons déchanté

Le septième jour on va se faire virer


Non ça c'était pour nous défouler, remarque le Boss qui a l’œil partout sait bien où nous en sommes, il doit savoir aussi que l’état du monde nécessite un diagnostic sérieux, compétent, et qu’on ne va pas boucler ça en 7 jours nom de…chien !


Mado fait un peu la gueule mais ses idées font du chemin et le soir à la soupe ça carbure fort sous les têtes chenues. Nous savons tous qu’au delà de cette histoire de péché c’est à celle du paradis et surtout de l'enfer qu’il faut s’attaquer.

Et là foi de Pierrot y’a du boulot !


Et comme on est le 30 janvier
Une tite carte de bonne année