lundi 15 mai 2017

Il était une fois...



un loup, une vieille femme, une petite fille, un chasseur et un conteur dans une clairière pour démêler une sombre histoire.
Les quatre protagonistes vont donner leur version des faits.

On commence par la petite fille suggère le conteur.



" On m’appelle le petit chaperon rouge, ma mère m’a dit que j’étais à croquer dans cet habit, d’autres l’ont pensé aussi mais n’anticipons pas.
Ce jour là je devais porter à ma mère-grand une galette et un pot de beurre. Je traversais une partie de la forêt que je connais bien mais je ne devais pas m’écarter du chemin. A un carrefour j’ai rencontré …lui, là…enfin le loup que je ne connaissais pas mais j’en avais entendu parler. Il était tout sourire, l’air d’avoir envie de jouer et moi super nigaude je lui ai dit où j’allais et le jeu a consisté à savoir qui arriverait le premier.
Et encore plus nigaude j’ai bien trouvé un peu bizarre la voix de ma grand-mère mais je suis rentrée et me suis mise au lit avec elle.

La suite tout le monde la connaît, je pose des questions à ma mère-grand et quand je lui demande pourquoi elle a de grandes dents, elle, elle…(la petite fille se met à pleurer)…elle se jette sur moi et m’avale. Si le chasseur n’était pas passé par là, s’il n’avait pas entendu le loup ronfler, si ce n'était pas la version des frères Grimm, je ne serai pas là pour vous raconter tout cela...(elle pleure)".



Le conteur reprend la parole :

« L’intensité dramatique ne va pas se relâcher car nous allons demander à la grand-mère de nous faire part de son récit »

La vieille femme entonna d’une voix chevrotante :

«Je ne me le pardonnerai jamais, avoir ouvert au loup qui venait pour me dévorer et faire de même avec ma petite fille ! Mais aussi à quoi pensait ma belle-fille en laissant cette gamine partir seule dans les bois ? C’est irresponsable vous en conviendrez. D’accord j’ai été sauvée in extremis mais j’aurais pu faire une crise cardiaque quand le loup s’est jeté sur moi. J’étais déjà faible et malade mais pas méfiante pour deux sous alors je ne vous dit pas maintenant… J’ai fait mettre un verrou supplémentaire à ma porte et du coup ma petite fille ne vient plus me voir car il n’est plus question qu’elle vienne seule et sa mère est semble-t-il bien trop occupée pour l’accompagner. »

« Votre fils ne peut-il pas le faire ? » risque le conteur

« Oh lui il est réellement occupé ».

Le témoignage de la vieille se termine sur cette réplique et le conteur donne la parole au loup.

« Je ne sais par où commencer dit l’animal. C’est tellement facile de faire de moi la bête noire et de me donner le mauvais rôle.
Bon d’accord je rencontre cette belle enfant dans les bois, à croquer, ô pardon, ravissante avec sa capuche rouge et son petit panier…c’est plus fort que moi, le rouge me donne des idées. Bref on a devisé gaiement, elle n’était pas timide la gosse. Elle m’a dit qu’elle allait chez sa mamie, à un quart d’heure de là, qu’elle lui portait du gâteau et une bouteille de vin. Je n’avais pas l’intention de me faire inviter chez la vieille, encore moins de la manger. Ridicule cette histoire ! Comment pouvez-vous imaginer que j’allais engloutir cette vieille carne, même en ayant les crocs alors que j’avais un délicieux petit tendron sous la patte…non
je veux dire alors que je sais où trouver des lapins et des agneaux dans cette forêt depuis le temps que je la squatte.
Et cette histoire que je me serais déguisé en grand-mère, encore plus ridicule ! C’est dit dans le texte que je l’avale toute habillée, beurk et rebeurk, alors je fais comment ensuite pour enfiler sa coiffe et sa chemise de nuit hein monsieur le conteur ?

La véritable histoire vraie c’est que je suis entré pour m’inviter à leur goûter, que la vieille poussait des cris stridents, la petite essayait de la rassurer, elle lui disait que je n’étais pas méchant c’est vrai quoi !, la vieille criait si fort, la gamine s’est mise à pleurer et un chasseur du coin nous a trouvés dans cette situation. D’accord je m’approchais d’elles pour essayer de les faire taire mais je ne les avais pas dans le bide, nom d’un loup…je ne suis pas un boa constrictor, voilà c’est tout. »

Un grand silence avant que le conteur reprenne la parole :

« Bon au tour du chasseur. Nous allons voir si son témoignage apporte un peu de lumière sur cette ténébreuse affaire. »

« Je finissais ma petite chasse du jour, un lièvre et deux perdreaux, j’ai entendu des cris qui venaient de la maison des chênes c’est comme ça qu’on appelle la maison de la grand-mère. Je cours vers la cahute, ne prends pas la peine de frapper, foin des politesses de salon, et je me trouve en face des trois ci-dessus, le loup qui essayait d’un coup de patte d’assommer l’aïeule, qui beuglait toujours et de l’autre s’assurait de sa prise sur la petite, sa proie.

Alors bien sur puisque je vous dois la vérité, il ne les a pas mangées. Dans d’autres circonstances, avec d’autres conteurs comme les frères déjà cités je les ai enlevées du ventre du loup. Fariboles que tout cela !

Mais enfin foi de Baptiste, c’est mon nom, je crois bien que je suis arrivé à temps et que le loup s’apprêtait à se mettre sous la dent la plus tendre des deux ! »



Encore un moment de silence que le conteur interrompt en demandant à la petite fille ce qu’elle pense de ces différentes versions.

C’est alors, coup de théâtre, qu’un autre protagoniste entre en scène :

« Oui je sais je n’apparais pas dans le conte, sauf pour envoyer mon enfant dans la gueule du loup…elle jette un regard noir à sa belle-mère. Même si ma fille a inventé une partie de l’histoire, qu’importe ! Vous allez la laisser tranquille, je ne veux pas qu’elle fasse des cauchemars pendant des années.

J’ai aussi mon mot à dire sur le contenu du panier, galette ou gâteau je m’en fiche, pot de beurre ou de miel idem, mais du vin ! que j’aille donner à ma fille du vin pour sa grand-mère cela ne tient pas debout.

Elle ajouta devant le conteur éberlué :



Et si vous voulez mon sentiment je peux vous dire que si quelqu’un a vraiment croqué ma fille, en tout cas en pensée, c’est bien elle, sa grand-mère, possessive et jalouse, qui ferait n’importe quoi pour me la ravir. »