jeudi 29 novembre 2012

Une petite entreprise



Julio Cortazar, dans Cronopes et Fameux, donne des instructions pour pleurer, pour chanter, pour monter un escalier ou tuer des fourmis à Rome…   

En voici quelques unes pour monter un club SM

Il faut que le lieu soit accueillant mais aussi un peu inquiétant, une cave aménagée en grotte fera l’affaire. La clé de votre réussite sera la maîtresse de cérémonie que vous embaucherez ; il vous faut être très vigilant sur le profil recherché et la rédaction de votre annonce, et bien sur vous devrez la tester pour évaluer ses compétences : dominatrice, pas jusqu’à la caricature ; maternelle, c’est exclu ; de l’empathie juste ce qu’il faut pour être attentive au bien être des clients et sa meilleure qualification résidera dans sa capacité à endosser plusieurs rôles et à passer de l’un à l’autre avec aisance… comme sur ses différents talons hauts.

mais non pas celui-ci
Apportez un soin particulier à la qualité des accessoires, surtout les fouets, qui doivent laisser quelques traces sans cingler la peau ni l’amour-propre et aussi les menottes, les lanières, les masques…

ni celui-là...
Si vous possédez un appartement ou mieux une maison avec une pièce en sous-sol, n’hésitez pas, cela confèrera un caractère un peu secret à votre installation.

Pour le mobilier je vous suggère des canapés et non des lits, qui évoquent trop la conjugalité, quelques miroirs sans abuser de la chose, on n’est pas dans la rubrique voyeur ; pas trop de rouge ni de noir cela sent son XIXème siècle et le blanc labo est à bannir également.
c'est peut-être mieux...

Il est important que vous ayez des notions de psychologie, en particulier pour ce qui concerne les groupes…savoir repérer les nouveaux, les timides du fond de la classe, les rivalités et surtout les pervers. Je ne doute pas du succès de votre entreprise si vous mettez un peu de corps à l’ouvrage.

Quant à contacter Madame Robbe-Grillet je vous le déconseille, elle a  certainement d’autres chats à fouetter, et ne lésinez pas sur la qualité et l’amour du travail bien fait.





samedi 10 novembre 2012

Envol d’écrits


Si on élargit les possibilités suggérées par la précédente note, de la copie à l’emprunt il n’y a qu’un petit pas à franchir vers le larcin et je propose d’aller faire un tour du côté des rats de bibliothèques, pas ceux qui dévorent les livres, plutôt ceux qui les dérobent…

Le premier pourrait s’intituler le passe-muraille du Mont St Odile . Le lieu, un ancien couvent perché sur un piton escarpé des Vosges, l’ancienne salle du chapitre abrite la bibliothèque accessible à quelques privilégiés. 


pour Sean Connery même moine
En 2000 le père abbé découvre le vol de 16 livres. Il n’y a pas trace d’effraction, on se rapproche du nom de la rose  car des incunables ont disparu et le voleur a laissé une rose dans le trou de la serrure.

Une plainte est déposée, on installe une serrure blindée ; 19 mois plus tard les livres disparaissent par rayonnages entiers et on s’oriente vers le mystère de la chambre jaune .

Finalement cet Arsène Lupin est confondu et filmé dans le passage secret…qui aboutissait au fond d’une des armoires de la bibliothèque. La première fois il s’était introduit dans le lieu en appuyant sur une rosace !
Il avait dérobé, outre le passage découvert dans une revue d’histoire locale, près de 1100 ouvrages en moins de deux ans…

Un autre FDB (fait divers de bibliothèque), le conservateur en chef du fond hébraïque de la BNF a réussi à voler puis à revendre aux enchères, pour 300 000 dollars, le Pentateuque, les 5 premiers livres de la Bible.

Le bibliothécaire de la B. Faidherbe (Paris XI) avait fait disparaître des rayonnages quelques 75 livres portant sur l’islam et le monde arabe. Pour endormir les soupçons il confectionnait de fausses cartes de lecteurs et ce catholique intégriste rapportait chez lui les ouvrages et les détruisait consciencieusement.

La B. de l’Arsenal (Paris V) constate en juin dernier le vol d’un ouvrage célèbre datant de 1557, estimé à plus de 200 000€, Commentarios de Afonso Dalboquerque. Fin juillet des experts s’étonnent de découvrir le précieux livre au catalogue d’une prochaine vente chez Christie’s !
L’objet est retiré in extremis ; le vendeur, grand collectionneur, jure ignorer la provenance de cette pièce restituée au patrimoine français.


Dernier FDB, un bibliothécaire d’Helsinki s’avise que certaines cartes d’atlas ont été découpées. D’autres bibliothèques de part le monde constatent qu’un grand nombre de leurs ouvrages géographiques ont été mutilés. Le voleur subtilisait au cutter des cartes datant pour la plupart du Moyen Age afin de les revendre. 


Un petit clin d’œil vers la restitution poétique…, Lamartine avait emprunté son célèbre vers à Antoine-Léonard Thomas, qui avait écrit un siècle plus tôt : ô temps suspends ton vol ! Respecte ma jeunesse.

mercredi 24 octobre 2012

Troppo allegro



Une copie blanche car je ne sais ce qu’elle va contenir…Puis j’associe à copie cette belle histoire. A 14 ans Mozart assiste à l’audition du Miserere d’Allegri. Ce musicien, prêtre et ténor de la chapelle pontificale, avait composé cette œuvre sublime aux environs de 1638 durant le règne du pape Urbain VIII. Le Vatican, souhaitant en conserver l’exclusivité et en préserver le caractère unique défendit non seulement de le reproduire et de l’exécuter hors de ce lieu saint, mais menaçait d’excommunication quiconque enfreindrait la règle.

Quand Mozart est rentré chez lui, avec son papa, celui-ci a du soupirer que c’était bien dommage qu’on ne puisse pas jouer un morceau de ce choix. Et le fils de Léopold a voulu faire plaisir à son père et a reproduit les 9 voix du Miserere sur une partition qui a fait le tour du monde.

On soupçonna davantage Mozart de l’avoir volée qu’imaginer que ce  jeunot l’avait copiée après une écoute (deux suivant les versions). Elle a été publiée en 1771 à Londres et l’interdiction papale a été levée.

Ce Miserere était chanté a capella, dans la Sixtine, lors des matines du mercredi et du vendredi pendant la semaine sainte.

Et voici ce qu’on ne pourrait entendre aujourd’hui car le jeunot serait poursuivi pour copie illicite et diffusion sans autorisation d’une œuvre protégée.





dimanche 14 octobre 2012

Un dimanche à la consigne


 Il faisait beau dans ma tête. J’avais décidé de passer mon dimanche au bord des mots. Je voulais profiter de cette parenthèse solitaire, de ce ciel lourd et gorgé de pluie, faire comme si le téléphone et l’ordinateur étaient en panne, et alterner, dans ce programme, lecture et écriture. La première pour sortir de moi-même et grappiller chez les autres quelques effluves d’idées, d’atmosphère, la seconde pour me blottir sous la couette des mots, des rêveries, des fantasmes… mots au hasard Balthazar, mots pour ne rien dire, mots pour rire, mots pour faire danser, tourbillonner, mots pour conjurer l’ennui et l’oubli, mots précieux enveloppés dans leur petit sachet, mots secrets à chuchoter dans le noir, mots fous et feux follets, mots douceur qui réchauffent avant l’hiver, mots à déguster sans perdre une miette, des mots pour me trouver un abri le long des fleuves impassibles

dimanche 23 septembre 2012

Vaghe stelle dell’Orsa


Je n’avais pas 6 ans la première fois que papa m’emmena au cinéma et  j’ai déjà signalé dans ce blog que cette découverte était d’abord celle du cinéma italien.

Je ne vais pas faire une rétrospective de la production néoréaliste de la péninsule, juste évoquer quelques films et surtout les actrices, belle et bellissime.

Le festival Lumière qui démarre dans quelques semaines projette plusieurs films de Vittorio De Sica, Le voleur de bicyclette bien sur mais aussi Sciuscia, Umberto D, Un monde nouveau, Mariage à l’italienne et Una breve vacanza.

L’autre Italien du programme c’est Rossellini avec Voyage en Italie. Dans ce film c’est la Bergman qui joue et c’est là que je mentionne le premier duo réalisateur et actrice. Il s’agit d’un duo mixte Hollywood Cinecittà, plus tourmenté que ceux de Fellini /Giulietta Masina et Monica Vitti /Antonioni.

Rossellini je voudrai citer Rome ville ouverte surtout pour la Magnani et évoquer quelqu’un de peu connu, Giovanna Ralli, pour un film au titre mystérieux Les évadés de la nuit (non ce n’est pas Nicholas Ray c’est bien Rossellini).

le n° 5 de Fellini
Une petite séquence Fellini, qui occupait ce studio à Cinecittà. La strada est sortie en 1954 ; elle a été vivement attaquée par la critique de gauche pour avoir perverti et trahi le néoréalisme…
Un film, parce qu’il s’appelle Le chemin de l’espérance de Pietro Germi, 1950
Une actrice, parce qu’on dit la Pampanini, Silvana de son prénom.

Une mention spéciale à Silvana Mangano, et quel contraste entre la Silvana débutante de riz amer (Giuseppe De Santis, 1949), en mondine (femmes venues de toute l’Italie qui vont repiquer dans l’eau les plants de riz) et La Mangano bourgeoise mondaine de Violence et Passion ou l'aristocrate mère de Tadzio dans Mort à Venise.


Une autre à Claudia Cardinale dans le bel Antonio de Mauro Bolognini. Ce film est sorti en 1960, quelques semaines après la dolce vita et l’image du séducteur en prend un sacré coup pour Marcello Mastroianni, il incarne un homme terrorisé par son impuissance et son entourage machiste. Il raconte cette anecdote. « Un an ou deux après la sortie du film, le Brésil ou l’Argentine, je ne m’en souviens plus, a acheté aux Etats Unis un vieux navire de guerre, mais il n’a jamais fonctionné : alors ils l’ont surnommé El bel Antonio ; il ne marchait pas ! ». Ce film, dont le scénariste était un certain Pasoloni, a eu le Léopard d’or au festival de Locarno en 1960 et Jacques Charrier avait bien fait de refuser le rôle !


Toujours Claudia dans Sandra de Visconti (1965), avec le beau Jean Sorel, ténébreux dans ce film trouble aux accents incestueux. Le titre de cette note est le nom italien du film, Pâles étoiles de la Grande Ourse.













vendredi 7 septembre 2012

RATP blues



Adèle dans le métro


J’ai toujours été fascinée par le métro parisien, peut-être l’ai-je d’autant apprécié, jeune provinciale débarquant à Paris, car il me permettait d’avoir des repères (ah la ligne 1 talisman des lyonnais) et de ne pas me sentir complètement plouc. J’aime particulièrement les noms des stations, c’est un peu le grand canal souterrain de la capitale…


 
J’t’ai vue à Bonne Nouvelle
Ah ce que t'étais belle !
En arrivant Place d’Italie
Tu m’as dit t’appeler Zazie
A la  mairie des Lilas
Tu m’as tendu les bras
A la station Pyrénnées
Tu m’as donné un baiser
A Réaumur-Sébastopol
T’étais toute fo-folle
A St Philippe du Roule
Tu t’es mise en boule
A la sortie Trocadero
C’était pas très rigolo
Et à Rochechouard
Tu m’as laissé choir




mercredi 29 août 2012

Cet été dans ma valise j’ai rapporté


Un bouddha pour rester éveillée
Un moulin à prières pour endormir le meunier
Une robe safran pour épicer le quotidien
Des tankas pour m’éditer
au temple d'or d'Amritsar
Une tasse de Leh pour mon persan
Un bol chantant pour les matins tristes
Un couteau sikh pour ouvrir mes chakras
Le roi de l'Himalaya c'est TATA
Des lamas doués pour apprendre à léviter
Un camion TATA pour mon oncle




Une Royal Enfield pour le roi de la Ducati
Et the queen c'est MAGGI
Un bouillon Maggi pour la potion du soir
Un Shiva ravi pour échapper au charivari
Un yack pour mon petit lapin canadien
Un panda roux de l’Himalaya pour l’autre lapereau

Et une chèvre pashmina pour tenir chaud à mon mouton tiens !




dimanche 29 juillet 2012

Papotages et framboises


En touillant la framboise je rêvassais à une nouvelle mise en pots…



La déception 
le film de Leos Carax, holly motors, je n’en dirai pas plus car je ne veux pas me faire lyncher par des faninternautes susceptibles, cependant j’aggrave mon cas en disant que ce n’est pas vraiment une déception car je n’en attendais pas grand chose, en tout cas pas autant que le landerneau cannois et parisien…

En revanche c’est une réelle déception que l’avant dernier Connelly, les neuf dragons, dans lequel Harry Bosch, sous prétexte qu’il est père, que sa fille se fait enlever, est prêt à dégommer tout ce qui se met en travers de son chemin à Hong-Kong.

La joke
la JOC le 1er mai
Staline interroge le soleil le matin « dis moi soleil suis-je toujours le plus grand ?» et le soleil « oui Staline tu es toujours le plus grand », rebelote à midi « suis-je toujours le plus fort ? et le soleil dans son zénith en remet une couche « oui Staline tu es le plus fort et le plus aimé aussi, ce n’est pas pour rien qu’on t’appelle le petit père des peuples… », et Staline continue son addiction en se tournant à nouveau vers l’astre déclinant, et le soleil de répondre à la 3ème injonction « ah Joseph tu es un véritable malade, complètement chtarbé, et puis je t’emmerde je suis passé à l’ouest ».

Le prénom
Térébentine, sans h c'est plus écologique

Un dessert
chez une amie avec fruits rouges du jardin, crumble aux abricots cueillis sur l’arbre et fromage blanc… divent et succulin !




La philologie
passer du coq à l’âne, j’aime beaucoup l’interprétation de clocher, vraie ou fausse je ne sais, das ist egal, qui dit que l’Alsace a depuis 1870 oscillé entre l’Allemagne et la France et le coq c'est der Hahn en allemand…

Le livre
j’avais découvert Russel Banks avec sous le règne de Bone  dans lequel il se met dans la peau d’un adolescent de 14 ans. Dans son dernier, lointain souvenir de la peau, il met à nu les dérives du politiquement et sexuellement correct à travers un jeune adulte qui a grandi dans l’univers virtuel du porno. 

Les chroniques sociales du JT de France 2, avec des titres aussi alléchants que : l’amitié est-elle possible entre un homme et une femme, l’autorité parentale, lutter contre la dyslexie, sauver le couple, les internats d’été, la séparation de frères siamois…

Campagne espagnole
Il s’agit d’un vote qui a eu lieu près de Barcelone, à Rasquera. Le maire de cette commune a demandé à ses électeurs d’approuver ou non par référendum l’implantation et la culture de cannabis sur les terres du village. Ces derniers ont été à 60% favorables. 

Une photo
La Meije sortant des nuages à partir du bistrot de la Grave


Le coup de cœur
le troisième film de Xavier Dolan, Laurence Anyways,  avec Melvil Poupaud 

La chanson
elle est dans le film, j’aime cette chanson que j'écoute depuis longtemps, ni trop tôt ni trop tard, écrite par Cyrus Bassiak et chantée par Jeanne Moreau. Je viens de la trouver sur la toile et je suis ravie de vous la faire découvrir.




mercredi 11 juillet 2012

Réflexions de cuisine



En touillant ma confiture d’abricots je m’ennuyais un peu, je pensais vaguement en remuant à une ébauche de texte que j’ai mis en pots avec ces étiquettes.

L’injustice 
Lors d’une visite à l’écomusée d’Alsace je suis restée le nez en l’air et les larmes aux yeux en visionnant cette scène terrible : un nid d’hirondelles dans lequel les oisillons attendaient avec impatience les parents qui faisaient des aller-retour continus pour nourrir un seul petit, obèse, qui avait écarté les autres, moribonds, et qui ouvrait le bec en permanence pour assouvir sa voracité (ce n’était pas un coucou) !

La persévérance
Toujours chez les piafs, deux tourterelles ont fait leur nid entre le toit et le store devant la maison de mes parents. Mon père l’a détruit plusieurs fois, et dix minutes après celui-ci est presque reconstitué par l’amoncellement de brindilles déjà récolté par ce couple tenace.

La honte 
Interview par Poujadas de  l’opposante  birmane Aung San Suu Kyi le 28 juin et les questions imbéciles commencent, s’attendait-elle à susciter une telle admiration ?…cela me rappelle quelque chose du même genre avec l’actrice chinoise Gong Li, alors ambassadrice de l’Oréal en Asie, et un journaliste du même tonneau dans la délicatesse, Guillaume Durand je crois, lui demande quel effet ça fait d’être parmi les plus belles femmes du monde. On imagine la gêne de ces deux femmes, aucun respect pour leur culture qui est à l’opposé de l’image de soi mise en avant…Poujadas a enfoncé le clou avec une question (qu’est-ce qui vous a fait tenir pendant toutes ces années ?) pour laquelle il propose d’emblée, sans vergogne, deux réponses.
La stupeur 
Election de miss Shoah en Israël

Les avancées féministes 
La science c’est aussi pour les filles ! slogan de la campagne de la Commission européenne

L’œuvre volée 
Vous ne saurez pas plus que moi de quel trésor il s’agit, j’ai pris cette photo il y a deux semaines dans une petite église du Limousin.

Les contrastes 
Encore en Limousin…
Soit deux villages, le premier Collonges-la-Rouge ; si je voulais croire que son nom était lié à une forte proportion de bouffeurs de curés (ce qui n’est pas rare dans cette région…), eh bien non ce sont les maisons toutes bâties en grès pourpre qui colorent son nom.
On ne trouve pas dans l’autre, Curemonte (rien à voir avec le curé), de nombreuses boutiques pour touristes comme dans le premier. Il faut dire qu’on y accède par une petite route et cela élimine d’ores et déjà les cars ; dans mon vieux guide vert, il n’a droit qu’à un petit paragraphe dans les environs de Beaulieu-sur-Dordogne.
Et le petit bistro où je suis allée, tout près du château, semblait bien le seul du village et n’avait pas la prétention des « jardins des thés » et autres lieux branchouilles de Collonges.
Je dirai que le premier est un fort joli bourg, certes, mais que le second a plus de charme.

Dans la même rubrique j’ai vu deux spectacles dans la semaine, l’un de danse avec Sylvie Guillem, et si je n’ai rien à redire sur la technique, mouvement perpétuel irréprochable, j’étais à la limite de l’ennui devant une prestation qui suscitait si peu d’émotion ; pour l’autre il s’agit des femmes bien en chair du cabaret new burlesque, que j’ai eu beaucoup de plaisir à revoir, après le film de Mathieu Amalric, surtout Mimi Le Meaux.
 
Le fantasme
Cette Eve au serpent devant le porche de l’Abbaye de Beaulieu laisse songeuse


Le mot 
amphigourique, il fallait que je le place, sa définition cause toute seule: qui tient de l’amphigouri, production intellectuelle confuse et incompréhensible (écrit ou discours burlesque rempli de galimatias).


Le ravissement 
Non ce n’est pas Lol V. Stein, c’est Antony (and the Johnsons) vendredi soir à Fourvière accompagné par l’orchestre de Lyon. Je l’avais découvert il y a quatre ans en achetant l’album I am a bird now. On prolonge cet envoûtement par une petite vidéo…









lundi 11 juin 2012

Sentimental océanique




Cette photo a été  prise à Munnar dans le Kerala

Je voyais un attroupement se former, un gamin tendait une corde, son père (ou supposé) plantait les poteaux, et un petit sac de jute avachi remuait dans un coin. Tout à coup j’ai eu peur, je ne voulais pas rester là, c’était comme si toutes  mes peurs  de l’Inde s’étaient cristallisées dans ce sac et je redoutais d’en voir le contenu.
Je pensais que cela pouvait être un enfant mais je craignais qu’il soit estropié, monstrueux…

A plusieurs reprises l’Inde s’était offerte en plein jour dans le plus sombre cauchemar…
La première fois, à Jaisalmer, je regardais le coucher de soleil sur la ville, un peu à l’écart pour noter quelques impressions dans mon petit carnet. Et tout à coup je le vis, un homme-araignée qui montait, ou plutôt qui rampait sur les marches pour accéder au sommet où se trouvaient les touristes. Et je ne pouvais plus voir que cela, même si je regardais furtivement, et ma terreur décuplait à l’idée qu’il s’approche de moi…

Une autre fois, dans le centre de l’Inde, j’écarquillais les yeux dans le bus pour ne rien manquer du spectacle…et je le reçus dans la rétine, un torse sans bras avec un visage posé devant une tente dans un campement, je l’ai revu tout au long du voyage dès que je fermais les yeux et longtemps après, et surtout j’avais peur de voir ce que je regardais…

En Inde du sud la tension s’était beaucoup relâchée, les mendiants près des temples ne venaient pas pour nous spécialement. Quand j’ai donné mes chaussures près d’un des grands temples bariolés du Tamilnadu, j’en ai repéré un qui avait une main monstrueuse, il nous suivait de loin, comme d’autres, mais quand il a fallu reprendre nos godasses moyennant quelques roupies, il était tout près. J’avais tout au long adopté une attitude qui me permettait de fuir les gros plans, et là mon compagnon me dit « donne lui une pièce » ce qu’il a aussitôt enregistré, quelle que soit la langue, car il m’a mis sa main sous le nez. Evidemment quelqu’un s’est fait engueuler…c’était ma manière de me protéger, fermer mes écoutilles visuelles et mentales.

Quand nous faisions un long trajet en train, je redoutais de descendre me dégourdir les jambes sur le quai, mon angoisse étant de me faire happer la cheville par un rampant  et cela doit se rapporter à un fantasme collectif puisque j’ai vu cela dans la bande dessinée  bonjour les Indes  (Dodo Ben Radis Jano).

Alors dans cette région montagneuse du Kérala, où je ne voyais plus  d’horreurs , mes défenses étaient tombées; dans cette petite foule qui se rassemblait, je voulais partir mais je restais clouée, et la fillette est sortie lentement du sac, entière, a grimpé sur la corde presque aussi tendue que moi…

 J'ai quand même pris mon appareil photo, malgré les larmes qui coulaient, sur cette gamine, sur l’Inde, sur les enfants empereurs de l’orient et de l’occident, sur moi, sur les romans sentimentaux de mon enfance, et l'impression d'être dans un chapitre de sans famille  !

dimanche 3 juin 2012

Je suis l'origine du monde


C’est difficile à concevoir, je le sais, eh bien oui je suis la femme de l’Origine du monde. Peu importe mon nom, Joanna, Louise ou Manon, peu importe que je sois simple modèle ou duchesse…J’espère seulement que quelques voyeurs se sont un jour posé la question de savoir quel visage se profile au-dessus de ce ventre féminin ?

premier cache-sexe
le deuxième d'André Masson
J’ai bien rigolé quand je séjournais chez Lacan, encore plus quand Sylvia a livré bataille pour que j’ai un cache-sexe, qui n’était pas mal, épousait bien mes courbes, une terre érotique , mieux que le premier qui avait beau être un Courbet, je m’ennuyais un peu derrière le panneau.

N’empêche j’aurais aimé que Gustave assiste à cela, son tableau! chez un grand prêtre de la psychanalyse qui a eu beaucoup de temps pour faire circuler mystères et rumeurs.

Il est vrai que j’ai pas mal galéré. Du riche collectionneur turc Khalil-Bey je suis passée au baron de Havatny, qui m’a emmenée à Budapest. A l’arrivée des nazis il m’a cachée dans une banque sous un faux nom. Les Russes m’ont capturée mais le baron m’a rachetée à un officier de l’armée rouge et je suis retournée à Paris dans le fond d'une valise diplomatique...mieux que Mata-Hari non ?

Après toutes ces aventures je suis entrée à Orsay en 1995, un peu comme on rentre au couvent! Il y avait même le ministre, un élu du sud-ouest, qui évitait de se faire photographier à mes côtés pour ne pas effaroucher ses électeurs de Lourdes !

Quelle foule au début et maintenant encore, ça défoule et refoule, certains ne font que passer, n’osent pas regarder vraiment, courent voir l'Enterrement à Ornans pour se purifier, le pire ce sont les groupes qui prennent des mines contrites et faussement gênées.
J’aimais mieux les grands dadais de la fin du XIXème qui complotaient pour m’apercevoir, qui étaient excités et ravis, eux n’avaient pas du porno à portée de clic.

Quelquefois j’ai des pensées perverses, je me prends trop la tête, je m’approprie celle de Mona Lisa et elle se retrouve au Louvre avec cette partie de son anatomie que la bienséance a toujours cachée…

J’ai l’œil sur tout, et je suis aussi vigilante que mes gardiens qui craignent qu’un allumé vienne me lacérer.
 
Et je reste là maintenant, offerte à tous et invisible, parfois lasse d’écarter les cuisses, mais toujours fière qu’un peintre de la nature, des villageois, des animaux, de la chasse, se soit aventuré plus loin encore que dans le lit de ces deux femmes enlacées dans le sommeil




mardi 29 mai 2012

Dans le grenier


La consigne était d’écrire en temps limité un texte sur l’ailleurs,
un ailleurs familier qui surgit d’une boite aux couleurs de l’enfance…



 
Ayant poussé la porte étroite qui chancelle
Je me retrouve alors dans le sombre grenier.
Mes yeux s’habituent vite à cette obscurité,
Repèrent une boite sur le coffre aux dentelles.
Je pressens tout de suite que je vais l’ouvrir,
Elle m’intrigue, on dirait qu’elle m’appelle.
Je suis si impatiente, que vais-je découvrir ?
Trop de promptitude gâcherait le plaisir…
Tu hésites ! as-tu peur de ce qu’elle recèle ?
Ce n’est quand même pas la boite de Pandore !
Quel autre secret pourrait te bousculer encore ?
D’abord ton père qui n’était pas ton géniteur,
Ta mère qui si loin avait trouvé le bonheur,
T’avait mise en nourrice toute ta tendre enfance,
Pourrait-il s’ajouter encore d’autre souffrance ?
Ta main sur le couvercle, tu atermoies, tu hésites,
Un sentiment de crainte, d’excitation t’habite.
Tu sais maintenant pourquoi ce carton t’est familier,
Ouvert, LE parfum de l’enfance en sort par bouffées…
Le plumier en bois peint avec ses pauvres crayons,
La magnifique agate bleutée chipée à un garçon,
Les photos, les dessins, traces de souvenirs heureux,
Les bons points et surtout les grandes et belles images
Que tu recevais en classe, douce et triste enfant sage.
Preuves tangibles que tu étais bien dans leurs pensées,
Lettres, cartes par dizaines de tes parents absents,
Dis-toi que tu y as gagné en force et liberté
T’enivrant solitaire à tant de jeux ardents.
Capitaine de vaisseau sur une belle frégate
Avec comme moussaillon le môme de l’agate.
Tu as navigué sur tant de mers imaginaires,
 Les vraies maintenant te paraissent chimères.
Tu as découvert le frisson jouissif de la lecture
Suivant d’Artagnan dans toutes ses aventures,
Tremblant de rage quand il était roulé par Milady,
Tu palpitais quand l’amour était de la partie…
Et voici le ruban de cette jolie chatte grise
Qui cachait ses chatons au fond de la remise.
Dans un coin de la boite ce si petit carnet
Où tu notais le soir de merveilleux secrets.
Tu avais recopié cette chanson que tu aimais tant
Qui n’était pas vraiment du goût de tes parents :
« Mon histoire c’est l’histoire d’un amour,
Ma complainte c’est la plainte de deux cœurs… »
Même si tu sais qu’amour ne rime pas avec toujours
Qu’un autre être n'est pas la condition du bonheur,
Tu es contente, toi la timide intello à lunettes
D’avoir pu (ré)concilier littérature et bluettes. 

Le premier vers est emprunté à Verlaine, Après trois ans, Poèmes saturniens

lundi 16 avril 2012

Le presbytère n’a rien perdu de son charme ni le jardin de son éclat

la chambre jaune

J’ai revu un film d’Hitchcock, l’ombre d’un doute et c’est je crois mon préféré (et celui du Maître) avec Rebecca.

L’héroïne est une jeune fille brune (Teresa Wright, toute ressemblance avec Gene Tierney est délicieusement fortuite), très différente des blondes (bombes ?)  glacées chères au maestro où le feu couve sous la cendre ou plutôt la glace…, bref une jeune fille pure mais pas trop niaise, carrément sous le charme de son oncle (Joseph Cotten), quintessence du mal mais je ne dévoilerai pas ici en quoi il excelle, ce qui m’intéresse ce sont les rapports ambigus, incestueux, ténébreux, entre Charlie et son tonton qui porte le même prénom…
 
A la fin du film les dernières paroles de la jeune fille suggèrent qu’elle sera amoureuse de son oncle toute sa vie.
Je crois que c’est un des films les plus pervers d’Hitchcock, et cela fait du bien dans cette époque qui manque un peu de subtilités. 

Et quoi de plus agréable, par ces temps de sinistrose, de se lover au coin du feu ou sous la couette avec un bon polar. Je n’ai pas mentionné cette littérature jusqu’ici, sauf Michael Connelly quand je parlais des écrivains américains, et je n’oserai pas disserter sur le roman policier car cela m’ennuierait d’abord avant de barber les autres. Toutes les théories du genre sont réductrices et commencent souvent par la plainte : le roman policier est beaucoup lu et pas reconnu à sa juste place… quelle place ?

La seule différence est que je n’aime pas relire un polar, contrairement à certains romans, car j’imagine que le plaisir que j’ai eu ne pourra se reproduire (et bien sur cela s'est vérifié quand même car j’avais oublié avoir lu le bouquin). Les films d’Hitchcock on peut les revoir même si on connaît le dénouement.

J’aime dans le polar sa variété, son exploration des ténèbres au delà des forêts de la nuit.

Bien sur il y a les stéréotypes, Barbara Havers et  Linley, la prolo et l’aristo  (Elizabeth George), la fliquette bretonne Mary Lester bien loin d'Harry Bosch, les inspecteurs fatigués, usés, alcooliques, solitaires, irascibles, mais c’est aussi rassurant qu’ils soient fidèles à l’image qu’on attend d’eux.


Je trouve plus chichiteux certains romans noirs français croulant sous des références littéraires avec des personnages sans aucune dimension psychologique ou sociale réelle, je préfère les américains, suédois, sud-africains, anglais, chinois, islandais…et  ne goûte guère les policiers historiques. 


Et je déteste quand le coupable est en fait le policier, le shérif, la juge…quel manque d’imagination! (Seul le silence, un livre dont on a beaucoup parlé et qui commençait bien, se termine avec un épilogue tortueux ).


Une exception pour Agatha Christie : (titre du livre?)

Mais comme je voudrais qu’Hercule Poirot n’eût pas pris sa retraite et ne fût pas venu ici cultiver des citrouilles !