lundi 24 octobre 2011

L’été qui a fait des vagues

Cet été là les trois enfants avaient animé, à leur façon, ce village un peu assoupi.
Jules et Romain étaient heureux de se retrouver et fiers de leurs débuts de collégiens.
Elisa, naguère élément modérateur de ce trio de voisinage, à l’aube d’une adolescence qui épargnait encore les garçons, sentait mille feux en elle et ne jouerait certainement pas les douces fées. 

En toile de fond, les parents, bien que présents, étaient par trop préoccupés par leurs problèmes intimes, crise de la quarantaine, miroir mon beau miroir…, pour prêter attention à cette petite bande de déracinés qui avait soif d’aventures et d’émotions fortes.

On a pu faire des recoupements, ensuite, il semblerait que les choses aient commencé à se gâter après le 14 juillet.

L’attention générale s’était relâchée, le père de Jules était parti, travailler disaient certains, rejoindre sa maîtresse, disaient les autres…
La mère d’Elisa restait prostrée dans sa chambre et ne sortait que pour acheter des cigarettes.

Le paradoxe, c’est que les grands-parents étaient plus soucieux de leurs rejetons que de leurs petits enfants…on ne dira jamais assez que les vacances en famille favorisent la régression…peut-être la boisson…car ce sont les enfants qui trinquent !

Mais bon sang de bois nous étions dans une île, et ces gosses, même s’ils venaient tous les étés, n’étaient pas aguerris aux dangers qui menacent les insulaires !

La première grosse connerie connue c’était de partir en mer, tous les trois, dans le petit voilier du père de Romain. Même si cela s’est bien terminé, on aurait pu leur parler à ces enfants, les rassurer, je ne sais pas…leur dire qu’on ne les aimait pas plus ou moins à l’aune de leurs exploits.

La deuxième n’est pas publique  et heureusement car ils ont failli détruire tous les parcs à huîtres du Port du Bec. Et là basta la non ingérence, je suis sorti de ma réserve comme on dit, je suis allé les voir, je les ai appelés Margot et tout ce qu’on veut mais c’est comme si j’avais fait dans un violon vous comprenez, et puis ce n’est pas moi qu’ils attendaient pour la sérénade.

On arrive à ce jour fatidique du 28 juillet, ils avaient l’habitude de la prendre cette petite route qui relie la terre à l’île en quelques kilomètres, à marée basse !
Même les automobilistes du coin savent qu’il faut faire vite, ne pas attendre le dernier moment, car la panne sèche (un comble avec tant de flotte !) vous fait vite regretter de n’avoir pas fait le détour par le pont de Noirmoutier.

Ils avaient leur vélo, faisaient des aller-retour 
sur la route, un jeu qui devenait stupide et dangereux, la mer commençait déjà à tout recouvrir, pas à petites doses mais bien au galop comme la légitime qu’elle était ; les gamins ont du se dire « allez, on tente encore un coup, on ira plus vite que la marée » mais ces jeunes fous avaient oublié que des roues de bicyclette sur l’eau qui dévale à cette vitesse eh bien ça dérape, que la peur fait perdre le peu de moyens qui restent, qu’ils ne voyaient plus autour d’eux que ces flots tumultueux animés d’un courant puissant et destructeur, qu’ils se sentaient perdus ; les deux garçons ne frimaient plus, les pleurs leur brouillaient la vue…Ils ont du leur salut à Elisa, la peur de la mort a du lui réveiller les sens, en tout cas la mémoire, bonne fée quand même, elle s’est souvenue des balises, a hurlé de lâcher les vélos, dare-dare, et de se précipiter sur la plus haute plate-forme, qui heureusement n’était pas loin….et bien sur à la patrouille des sapeurs pompiers alertée par le père Mathieu qui les avait vus s’engouffrer sur la route dans l’après-midi.

Les esprits se sont calmés, les parents rabibochés on ne sait ? mais lors de la grande marée d’équinoxe, en septembre, tout le village parlait de ces mômes inconscients et de leurs parents davantage encore ; même les grands parents, pourtant natifs de l’île (mais ils l’avaient quittée!), étaient de la fête, et il est sur que cela fournirait du combustible pour tout l’hiver…le chauffage au ragot y’a pas mieux pour le fourneau !



petit texte de fiction ayant pour consigne : 3 enfants, leurs prénoms, ce qui les lie, 3 bêtises


   

mercredi 19 octobre 2011

Trois sœurs made in USA

L'aura de Gene Tierney...
Avec la caméra qui peut remonter le temps, comme la mémoire, je zoomerai sur Gene Tierney, qui m’a absolument ravie dans Laura et surtout Péché mortel, dans lequel je l’ai découverte. Première scène du film, son visage est caché par le livre qu’elle lit, quand elle le baisse, j’ai poussé une exclamation qui a fait rire le spectateur derrière mon siège… En plus ce film a du échapper à la censure pourtant vigilante de l’époque car elle commet des actes que je ne saurais dévoiler ici par égard pour ceux qui voudraient pécher…J’ai eu une période, bien après l’adolescence, où j’étais vraiment fan. 

Une autre que j’ai peu vue, avec un prénom français joliment désuet, un regard troublant, Madeleine Stowe, aux côtés de Daniel Day Lewis dans Le dernier des Mohicans  et de Bruce Willis dans L’armée des 12 singes . Télérama titrait il y a quelques années qu’elle n’était plus…j’ai cru qu’elle était morte, non ils voulaient dire « plus la même » car elle s’était fait « retaper, refaire, lifter… », je n’ai pas pu me faire une idée, ne l’ayant pas vue récemment dans un film, et pour cause, mais d’après les photos elle a certainement perdu des rides mais aussi du charme, et Hollywood l’a quand même laissée choir, comme d’autres, je pense à Geena Davis, voluptueuse Thelma

 
The end avec Faye Dunaway dans le film de Jerry Schatzberg, Portrait d’une enfant déchue, film sorti brièvement en 1970, qui non seulement n’a pas pris une ride, mais resplendit avec une grâce à faire pâlir encore plus blancs les fadasses navets trop souvent servis le mercredi. Là je parle plus du film que de l’actrice, fantastique dans ce rôle de mannequin, qui a par ailleurs une filmographie imposante mais ne m’a jamais fait rêver comme les précédentes.



Puisqu’on en est aux confidences oniriques si je devais citer des acteurs une mention pour Garry Cooper jeune (gare, gare, gare, Gary Cooper s’approche du ravin d’enfer…) et Sean Connery même vieux!

 
 

mardi 18 octobre 2011

Maron

C’est l’anagramme de roman, ici il sert plus modestement une tentative d’écriture sur l’automne ...
C’est aussi une couleur chaude, avec deux r qui roulent de la « terre de Sienne » à la « terre d’ombre », naturelle ou brûlée.

C’est la splendeur de l’automne flamboyant, la période où les couleurs sont les plus belles, avec des dominantes de jaune et quelques rouges, qui vont du vermillon de certains arbustes à la pourpre alizarine de la vigne vierge...
le même arbre sous toutes ses couleurs

L’automne, cela évoque souvent les souvenirs, peut-être parce que c’est la saison des rituels, des reprises, des rentrées, du recommencement... c’est la saison qui s’approche de la mort et qui en même temps la nie superbement, il y a loin des érables flamboyants aux petits troncs rabougris tremblant dans la neige et le brouillard d’hiver.

« Voilà les feuilles sans sève
Qui tombent sur le gazon,
Voilà le vent qui s’élève
Et gémit dans le vallon...
C’est la saison où tout tombe
Aux coups redoublés des vents ;
Un vent qui vient de la tombe
Moissonne aussi les vivants... »
Ce poème de Lamartine doucement chanté par Brassens se nomme « Pensée des morts ».

C’est le moment où affleurent, à la Pérec, le plus de « Je me souviens... ».
Je me souviens de quelques bribes de poésies sur l’automne :
« Automne malade et adoré... »
« Elle avait le cœur un peu serré, c’était la rentrée !... »
et surtout celle d’Apollinaire, que j’ai apprise plus tard, comme un défi à la perte progressive de la mémoire (ce qui n’a pas été appris par cœur avant 20 ans ne se retient pas bla-bla-bla), et aussi parce que ce poème est à l’opposé de ce que j’apprenais lors de mes rentrées automnales.

« Dans le brouillard s’en vont un paysan cagneux
Et son bœuf lentement dans le brouillard d’automne
Qui cache les hameaux tristes et vergogneux... »

Je me souviens des promenades dans les forêts et des bogues de châtaignes qui craquent sous les pas, tout un concentré de choses vues ou reconstituées dans un kaléidoscope de couleurs où la lumière n’est pas trop vive, comme en été, et appose une empreinte de douceur sur tout ce qu’elle touche.

Les analogies se ramassent à la pelle, comme les feuilles mortes, et la petite madeleine ne peut se suffire d’une tasse de thé, c’est plutôt l’infusion d’une tonne de feuilles et autres humus coagulés comme ce thé chinois qu’il faut casser au couteau.

Je l’ai faite, ma balade automnale, seule, avec un paysage noyé dans la brume et un ciel dégorgeant de lavis de gris, et, contrairement à l’aquarelle où les teintes s’estompent à mesure que le papier sèche, ici les couleurs du ciel se sont foncées jusqu’au noir d’encre faisant ressortir les verts gorgés d’eau des champs et des arbres.

 
J’ai vu trois ânes dans un pré, deux gris et un noir très peluche...S’il avait fallu les peindre, ces ânes (Cézanne peint !), j’aurais eu beaucoup de mal à trouver les couleurs.


J’étais partie avec l’intention de cueillir des mûres, mais celles qui avaient survécu étaient trop mures (murmures...), et j’ai ramassé quelques champignons dignes de figurer dans un dessin animé, bolets, lactaires plus rigolos que délicieux, et coulemelles.

Si le temps n’avait été aussi menaçant, et si j’avais eu des chaussures étanches, il me semble que j’aurais pu marcher pendant des heures, tellement je m’enivrais des senteurs de la terre humide, tellement je ne pensais à rien hormis les sensations de l’instant... comme s’exclamer niaisement devant un champignon aussi énorme qu’une scarole ou glousser de plaisir devant les avancées tumultueuses des nuages car je savais que je serai rentrée avant la tempête ! 

Ce petit conte d’automne ne pèse pas lourd dans les comptes d’automne (de ma vie), ni dans les comptes de résultat, mais il est à mettre au bilan de ce qui est intouchable, sentiments et correspondances, défis lancés au temps, aussi éphémères soient-ils, et tous les possibles, timides tentatives ou grands projets - contre l’oubli et le repli rance et racorni de l’hiver.

Bientôt nous plongerons dans de froides ténèbres ;
adieu vive clarté de nos étés trop courts…[1]

mais faut pas se plaindre hein…
il est pas si mal cet été indien !!![2]




[1] Baudelaire/Les fleurs du mal/chants d’automne
[2] ça c’est le dicton du jour

vendredi 7 octobre 2011

chat-chat-chat

Cette nuit je ne dormais pas et je pensais à des chats, pourquoi cha ? qui n’étaient pas forcément gris…sauf la chatte qui venait parfois dans mon bureau, elle s’était fait adopter par l’institution, belle indépendante qui ne rendait des comptes à aucun maître, mais la route a eu raison d’elle, comme de beaucoup d’autres dans le secteur….




Chat                    chatte                chatons              chatteries
minet                  féline                  polissons            cajoleries
mutin                  câline                  mignons
matois                chafouine
matou

De sa fourrure blonde et brune
Sort un parfum si doux, qu’un soir
J’en fus embaumé, pour l’avoir
Caressée une fois, rien qu’une.[1]

cherchez les chats...
L’été 2007, je me suis retrouvée dans une petite maison dans le Queyras, les propriétaires, des Allemands qui étaient tombés amoureux de la région l'étaient aussi des félins et ils en possédaient 11 ; leur fils est  venu leur rendre visite, avec femme, enfant, un chien et 12 chats !!!!! L’excellent vin du Rhin qu’ils nous ont fait déguster atténuait les effluves ammoniaquées de ces charmantes bestioles.


chat d'Iran
chat délirant
chat Persan
chat paressant
chat du Poitou
chabichou
chabadabada...




Les Sinéchats, l’énigmatique sourire du chat du Cheshire,  le Bébert de Céline, les Matous de Colette, les félins contemplatifs de Sempé, le chat perché de Marcel Aymé…et dans cette folle charabande j’ai choisi pour la fin celui de Jacques Roubaud.


Poème du chat

ou sur le canapé!

Quand on est chat on n'est pas vache
on ne regarde pas passer les trains
en mâchant les pâquerettes avec entrain
on reste derrière ses moustaches
(quand on est chat, on est chat)

Quand on est chat on n'est pas chien
on ne lèche pas les vilains moches
parce qu’ils ont du sucre plein les poches
on ne brûle pas d’amour pour son prochain
(quand on est chat, on n'est pas chien)

On passe l’hiver sur le radiateur                                 
à se chauffer doucement la fourrure

Au printemps on monte sur les toits
pour faire taire les sales oiseaux

On est celui qui s’en va tout seul
et pour qui tous les chemins se valent
(quand on est chat, on est chat)



En bonus, le chat de Simon :





[1] Baudelaire/Les fleurs du mal/Le chat