mardi 18 octobre 2011

Maron

C’est l’anagramme de roman, ici il sert plus modestement une tentative d’écriture sur l’automne ...
C’est aussi une couleur chaude, avec deux r qui roulent de la « terre de Sienne » à la « terre d’ombre », naturelle ou brûlée.

C’est la splendeur de l’automne flamboyant, la période où les couleurs sont les plus belles, avec des dominantes de jaune et quelques rouges, qui vont du vermillon de certains arbustes à la pourpre alizarine de la vigne vierge...
le même arbre sous toutes ses couleurs

L’automne, cela évoque souvent les souvenirs, peut-être parce que c’est la saison des rituels, des reprises, des rentrées, du recommencement... c’est la saison qui s’approche de la mort et qui en même temps la nie superbement, il y a loin des érables flamboyants aux petits troncs rabougris tremblant dans la neige et le brouillard d’hiver.

« Voilà les feuilles sans sève
Qui tombent sur le gazon,
Voilà le vent qui s’élève
Et gémit dans le vallon...
C’est la saison où tout tombe
Aux coups redoublés des vents ;
Un vent qui vient de la tombe
Moissonne aussi les vivants... »
Ce poème de Lamartine doucement chanté par Brassens se nomme « Pensée des morts ».

C’est le moment où affleurent, à la Pérec, le plus de « Je me souviens... ».
Je me souviens de quelques bribes de poésies sur l’automne :
« Automne malade et adoré... »
« Elle avait le cœur un peu serré, c’était la rentrée !... »
et surtout celle d’Apollinaire, que j’ai apprise plus tard, comme un défi à la perte progressive de la mémoire (ce qui n’a pas été appris par cœur avant 20 ans ne se retient pas bla-bla-bla), et aussi parce que ce poème est à l’opposé de ce que j’apprenais lors de mes rentrées automnales.

« Dans le brouillard s’en vont un paysan cagneux
Et son bœuf lentement dans le brouillard d’automne
Qui cache les hameaux tristes et vergogneux... »

Je me souviens des promenades dans les forêts et des bogues de châtaignes qui craquent sous les pas, tout un concentré de choses vues ou reconstituées dans un kaléidoscope de couleurs où la lumière n’est pas trop vive, comme en été, et appose une empreinte de douceur sur tout ce qu’elle touche.

Les analogies se ramassent à la pelle, comme les feuilles mortes, et la petite madeleine ne peut se suffire d’une tasse de thé, c’est plutôt l’infusion d’une tonne de feuilles et autres humus coagulés comme ce thé chinois qu’il faut casser au couteau.

Je l’ai faite, ma balade automnale, seule, avec un paysage noyé dans la brume et un ciel dégorgeant de lavis de gris, et, contrairement à l’aquarelle où les teintes s’estompent à mesure que le papier sèche, ici les couleurs du ciel se sont foncées jusqu’au noir d’encre faisant ressortir les verts gorgés d’eau des champs et des arbres.

 
J’ai vu trois ânes dans un pré, deux gris et un noir très peluche...S’il avait fallu les peindre, ces ânes (Cézanne peint !), j’aurais eu beaucoup de mal à trouver les couleurs.


J’étais partie avec l’intention de cueillir des mûres, mais celles qui avaient survécu étaient trop mures (murmures...), et j’ai ramassé quelques champignons dignes de figurer dans un dessin animé, bolets, lactaires plus rigolos que délicieux, et coulemelles.

Si le temps n’avait été aussi menaçant, et si j’avais eu des chaussures étanches, il me semble que j’aurais pu marcher pendant des heures, tellement je m’enivrais des senteurs de la terre humide, tellement je ne pensais à rien hormis les sensations de l’instant... comme s’exclamer niaisement devant un champignon aussi énorme qu’une scarole ou glousser de plaisir devant les avancées tumultueuses des nuages car je savais que je serai rentrée avant la tempête ! 

Ce petit conte d’automne ne pèse pas lourd dans les comptes d’automne (de ma vie), ni dans les comptes de résultat, mais il est à mettre au bilan de ce qui est intouchable, sentiments et correspondances, défis lancés au temps, aussi éphémères soient-ils, et tous les possibles, timides tentatives ou grands projets - contre l’oubli et le repli rance et racorni de l’hiver.

Bientôt nous plongerons dans de froides ténèbres ;
adieu vive clarté de nos étés trop courts…[1]

mais faut pas se plaindre hein…
il est pas si mal cet été indien !!![2]




[1] Baudelaire/Les fleurs du mal/chants d’automne
[2] ça c’est le dicton du jour

1 commentaire:

  1. Et s'en allant là-bas, le paysan chantonne
    Une chanson d'amour et d’infidélité
    Qui parle d'une bague et d'un cœur que l'on brise

    Oh l'automne l'automne a fait mourir l'été
    Dans le brouillard s'en vont deux silhouettes grises

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