lundi 2 avril 2012

Notes du hasard

Il est fréquent qu’on vous parle de quelqu’un, un mot nouveau, un écrivain qui vous était inconnu, un fait historique étonnant, un lieu emblématique, un prénom… et pof, 3 fois dans la même semaine ou 2 fois le même jour, y’en a plus que pour lui ou elle ou cette chose…
 
C’est le cas de Sei Shonagon, dame d’honneur de la princesse Sadako dans le Japon du XIè siècle : ses notes de chevet appartiennent au genre soshi qui ne se mangent pas tout crus mais sont des écrits intimes sous forme de tableaux, portraits, listes, inventaires...

Un exemple :
Choses qui font battre le cœur
Des moineaux qui nourrissent leurs petits.
Passer devant un endroit où l’on fait jouer de petits enfants.
Se coucher seule dans une chambre délicieusement parfumée d’encens.
S’apercevoir que son miroir de Chine est un peu terni.
Un bel homme, arrêtant sa voiture, dit quelques mots pour annoncer sa visite.
Se laver les cheveux, faire sa toilette, et mettre des habits tout embaumés de parfum. Même quand personne ne vous voit, on se sent heureuse, au fond du cœur.
Une nuit où l’on attend quelqu’un. Tout à coup, on est surpris par le bruit de l’averse que le vent jette contre la maison.

Eh bien j’en ai entendu parler pour la première fois il y a quelques semaines.  Hier matin je tombe au chapitre « inventaires » dans ma  petite fabrique de littérature , tome 1 je précise car c’est le meilleur, que je possède depuis des lunes et qui est un bijou de ressources, d’où le libellé principal de ce blog, bref je tombe disais-je sur des listes de la compagne de la princesse et le soir dans un petit livre sur le Japon que je commence « Au Japon ceux qui s’aiment ne disent pas je t’aime » (Eléna Janvier) dame Shonagon est citée entre autres pour son appréciation sur les dents bien noircies (qui égayaient l’âme) et également dans Lire du mois dernier dans lequel le Japon est à l’honneur.

L’autre aspect semble partir de votre fait, vous exhumez un auteur, un livre, très connu mais franchement pas à la mode, carrément dans les limbes, que vous aimiez et pour lequel vous éprouvez, comme pour votre vieux nounours, un regain d’affection et ô surprise vous en entendez parler de plus en plus, un film, une pièce de théâtre, des mugs à son effigie que sais-je encore ? et vous restez là n’osant dire que vous y pensiez avant cette déferlante…j’avais plein d’exemples et maintenant que je veux les exprimer ils se défilent, ma mémoire me joue des tours et des détours comme dirait Sigmund, si j'en tiens un, il y a 3 ou 4 ans, j'avais cru "découvrir" le Requiem de Fauré et il était partout.. .


Bon là je pense à Romain Gary et particulièrement à La promesse de l’aube qui est pour moi un capolavoro dei capolavori, ça sonne bien en italien…J’ai entendu un acteur sur FI qui jouait à Paris dans une pièce tirée du livre, visiblement il aimait beaucoup Gary et peut-être que le vent Gary va se mettre à souffler…

Si c’est pour raconter plein de trucs intimes sur sa vie (sauf qu'il en connait un rayon sur l'imposture!), son fils a fait un film, il couchait avec Unetelle, aucun intérêt ; si c’est pour montrer quel grand romancier il est c’est déjà mieux et les jeunes et moins jeunes de la cité auraient bien plus à glaner dans ses pages, celles de chien blanc en particulier, que dans la grosse vague démagoulinante d’Intouchable.

 
Je transcris ce passage dans lequel Gary relate la visite d’adieu que sa mère est venue lui faire à la mobilisation, elle descend du taxi, après 5h de route,  une gauloise aux lèvres et ouvre les bras à son fils, peu enclin à ce type de manifestation devant les autres troufions.

« …elle s’exclama, d’une voix que tout le monde entendit, et avec un fort accent russe :
-         Guynemer ! Tu sera un second Guynemer ! Tu verras, ta mère a toujours raison !…
-         - Tu seras un héros, tu seras général, Gabriele d’Annunzio, Ambassadeur de France- tous ces voyous ne savent pas qui tu es !

Je crois que jamais un fils n’a haï sa mère autant que moi, à ce moment là. Mais, alors que j’essayais de lui expliquer dans un murmure rageur qu’elle me compromettait irrémédiablement aux yeux de l’Armée de l’Air, et que je faisais un nouvel effort pour la pousser derrière le taxi, son visage prit une expression désemparée, ses lèvres se mirent à trembler, et j’entendis une fois de plus la formule intolérable, devenue depuis longtemps classique dans nos rapports :

-         Alors, tu as honte de ta vieille mère ? »



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