dimanche 3 juin 2012

Je suis l'origine du monde


C’est difficile à concevoir, je le sais, eh bien oui je suis la femme de l’Origine du monde. Peu importe mon nom, Joanna, Louise ou Manon, peu importe que je sois simple modèle ou duchesse…J’espère seulement que quelques voyeurs se sont un jour posé la question de savoir quel visage se profile au-dessus de ce ventre féminin ?

premier cache-sexe
le deuxième d'André Masson
J’ai bien rigolé quand je séjournais chez Lacan, encore plus quand Sylvia a livré bataille pour que j’ai un cache-sexe, qui n’était pas mal, épousait bien mes courbes, une terre érotique , mieux que le premier qui avait beau être un Courbet, je m’ennuyais un peu derrière le panneau.

N’empêche j’aurais aimé que Gustave assiste à cela, son tableau! chez un grand prêtre de la psychanalyse qui a eu beaucoup de temps pour faire circuler mystères et rumeurs.

Il est vrai que j’ai pas mal galéré. Du riche collectionneur turc Khalil-Bey je suis passée au baron de Havatny, qui m’a emmenée à Budapest. A l’arrivée des nazis il m’a cachée dans une banque sous un faux nom. Les Russes m’ont capturée mais le baron m’a rachetée à un officier de l’armée rouge et je suis retournée à Paris dans le fond d'une valise diplomatique...mieux que Mata-Hari non ?

Après toutes ces aventures je suis entrée à Orsay en 1995, un peu comme on rentre au couvent! Il y avait même le ministre, un élu du sud-ouest, qui évitait de se faire photographier à mes côtés pour ne pas effaroucher ses électeurs de Lourdes !

Quelle foule au début et maintenant encore, ça défoule et refoule, certains ne font que passer, n’osent pas regarder vraiment, courent voir l'Enterrement à Ornans pour se purifier, le pire ce sont les groupes qui prennent des mines contrites et faussement gênées.
J’aimais mieux les grands dadais de la fin du XIXème qui complotaient pour m’apercevoir, qui étaient excités et ravis, eux n’avaient pas du porno à portée de clic.

Quelquefois j’ai des pensées perverses, je me prends trop la tête, je m’approprie celle de Mona Lisa et elle se retrouve au Louvre avec cette partie de son anatomie que la bienséance a toujours cachée…

J’ai l’œil sur tout, et je suis aussi vigilante que mes gardiens qui craignent qu’un allumé vienne me lacérer.
 
Et je reste là maintenant, offerte à tous et invisible, parfois lasse d’écarter les cuisses, mais toujours fière qu’un peintre de la nature, des villageois, des animaux, de la chasse, se soit aventuré plus loin encore que dans le lit de ces deux femmes enlacées dans le sommeil




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