C’est
difficile à concevoir, je le sais, eh bien oui je suis la femme de l’Origine du
monde. Peu importe mon nom, Joanna, Louise ou Manon, peu importe que je sois
simple modèle ou duchesse…J’espère seulement que quelques voyeurs se sont un
jour posé la question de savoir quel visage se profile au-dessus de ce ventre
féminin ?
premier cache-sexe |
le deuxième d'André Masson |
J’ai
bien rigolé quand je séjournais chez Lacan, encore plus quand Sylvia a livré
bataille pour
que j’ai un cache-sexe, qui n’était pas mal, épousait bien mes courbes, une terre
érotique , mieux que le premier qui avait beau être un Courbet, je
m’ennuyais un peu derrière le panneau.
N’empêche
j’aurais aimé que Gustave assiste à cela, son tableau! chez un grand
prêtre de la psychanalyse qui a eu beaucoup de temps pour faire circuler
mystères et rumeurs.
Il
est vrai que j’ai pas mal galéré. Du riche collectionneur turc Khalil-Bey je
suis passée au baron de Havatny, qui m’a emmenée à Budapest. A l’arrivée des nazis
il m’a cachée dans une banque sous un faux nom. Les Russes m’ont capturée mais
le baron m’a rachetée à un officier de l’armée rouge et je suis retournée à Paris dans le fond d'une valise diplomatique...mieux que Mata-Hari
non ?
Après
toutes ces aventures je suis entrée à Orsay en 1995, un peu comme on rentre au couvent! Il y avait même le ministre,
un élu du sud-ouest, qui évitait de se faire photographier à mes côtés pour ne
pas effaroucher ses électeurs de Lourdes !
Quelle
foule au début et maintenant encore, ça défoule et refoule, certains ne font que
passer, n’osent pas regarder vraiment, courent voir l'Enterrement à Ornans pour se purifier, le pire ce sont les groupes qui prennent
des mines contrites et faussement gênées.
J’aimais
mieux les grands dadais de la fin du XIXème qui complotaient pour m’apercevoir,
qui étaient excités et ravis, eux n’avaient pas du porno à portée de clic.
Quelquefois
j’ai des pensées perverses, je me prends trop la tête, je m’approprie celle de
Mona Lisa et elle se retrouve au Louvre avec cette partie de son anatomie que
la bienséance a toujours cachée…
J’ai
l’œil sur tout, et je suis aussi vigilante que mes gardiens qui craignent qu’un
allumé vienne me lacérer.
Et
je reste là maintenant, offerte à tous et invisible, parfois lasse d’écarter
les cuisses, mais toujours fière qu’un peintre de la nature, des villageois,
des animaux, de la chasse, se soit aventuré plus loin encore que dans le lit de ces
deux femmes enlacées dans le sommeil.
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