vendredi 18 décembre 2020

conte de grammaire

 

Coquin, ne t’ai-je pas interdit pour un mois ?

Que voila une belle apostrophe lancée par Cyrano avant son entrée en scène!

Celle que la FNAC m’a envoyé il y a quelques jours me ferait pleurer de honte pour ce qu’elle renvoie de ce monde merveilleux

M….., on s’aime depuis 5 ans !

Les bras m’en tombent des cuisses, comme on dit à Lyon, je vais me réfugier dans le monde des figures de style, d’insistance, de répétition, d’amplification, d’atténuation, de garde-fous…Ces mots un peu compliqués sont rassurants car ils balisent un territoire de sentiments, d'idées et enrobent les aspérités du langage, habillent les formes...ah! la fameuse litote Va, je ne te hais point murmurée par Chimène à Rodrigue, si douce à l'oreille même pour ceux qui n'en sont pas les destinataires... enfin toutes ces modulations qui peuvent apporter de la nuance, de l’ironie, du jeu, du désir caché sous le verbe.

La première s’appelle l’anadiplose et Marivaux l'illustre par la répétition d’un même mot en début et en fin de proposition

Peut-on se figurer de mariage plus doux, d'union plus délicieuse?

Délicieuse! que tu es folle avec tes expressions!

La répétition volontaire d’un mot ou groupe de mots au début ou à la fin de plusieurs propositions, l’anaphore, beaucoup utilisée en poésie :

Trouver des mots forts comme la folie

Trouver des mots couleur de tous les jours 

Trouver des mots que personne n’oublie.

Aragon

La suivante, dans mon classement, va se surpasser également chez Edmond Rostand

c’est un roc !...c’est un pic…c’est un cap ! Que dis-je, c’est un cap ?...c’est une péninsule !

Elle se nomme l’épanorthose ou figure de correction : on fait semblant de se rétracter, de corriger ce qu’on vient de dire, comme trop faible pour ce qu’on veut exprimer.

Là je vais commencer par la citation , je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue. (Racine) car elle englobe deux figures, l’asyndète, ou suppression des coordinations et un jeu sur les sonorités, les homéotéleutes, mots employés à la fin de chaque phrase ou proposition, qui ont la même terminaison.

J’aime beaucoup la paronomase, un jeu sur des mots qui se ressemblent, paronymes, qui se rapproche du calembour (antanaclase) et de la contrepèterie, mais pas chez Verlaine

Il pleure dans mon cœur

Comme il pleut sur la ville.

Ma préférence cependant au zeugma (le seul dont je me souviens du nom),  alliance d’un mot abstrait et d’un mot concret, dans un but souvent comique et je cite le maître du double zeugma, Desproges : après avoir sauté le petit- déjeuner et sa belle-sœur le petit Prince reprit enfin ses esprits et une banane.

Pour terminer sur une note poétique et s’éloigner davantage encore des rivages nauséeux de l’apostrophe mercantile et vulgaire je retiendrai la nuit et l’acrostiche, on écrit des vers dont les initiales, lues verticalement et dans l’ordre, forment un mot en rapport avec le poème

La nuit descend

On y pressent

Un long destin de sang 

Apollinaire a dédié ce poème à Lou

Apollinaire a fait beaucoup de calligrammes et quels calligrammes !

Mais je choisis celui de Maurice Carême pour le style de la figure

 

 



5 commentaires:

  1. Bravo, Monique, pour cette synthese des figures de style! Je t'envoie cet acrostiche, petit poeme que j'ai écrit sur les cygnes de Sudbury. En anglais bien sur, mais not a problem for you!

    Sudbury Swans

    Splendid, wondrous creatures
    Undulating on the water
    Dazzling display of white
    Bold acrobats of the ripple
    Untamed, inscrutable
    Royalty among the river fowl
    Yonder they glide

    Such large birds and yet they fly
    Water and sky they have conquered
    Angel feathers on proud galleons
    Neck extended, uppity eye
    Super cool Sudbury swans

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  2. Dominique, merci je voulais répondre avec un long acrostiche, du côté de chez Swann...et puis je préfère citer Paul Vincensini
    Moi l'hiver je pense
    Aux petits oiseaux
    Qui couvent des oeufs glacés
    Dans les arbres

    Moi l'hiver je pense
    Aux petits poissons
    Qui se gèlent les bonbons
    La nuit
    Dans les rivières

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  3. Il fait froid ce matin
    Et les oiseaux ont faim
    De petits flocons blancs tombent tout doucement
    A terre ils fondent
    Ils ne sont pas de ce monde

    J'ai écrit ca un matin d'hiver l'année derniere. De ma cuisine, c'était exactement comme ca et ca m'est venu comme ca, tout d'un coup en francais. Excuse-moi si je te l'avais déja envoyé.

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  4. mais ils sont intemporels ma belle!
    et c'est plus poétique que se geler les bonbons...mais j'avais trouvé ça très drôle,I kiss you

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    1. J'ai aussi bien aimé le poeme de Paul Vincensini, mais bien sur, ayant hate de te faie lire le mien, j'ai oublié de te le dire!

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