samedi 18 juin 2011

Des écrivains mis à l’ombre

Michel Onfray soulignait dans une chronique du Monde les incohérences et autres égarements de J. P. Sartre qui a, à travers Les temps modernes, et paradoxalement  avec le parti communiste et les Lettres françaises, fait la pluie et le beau temps dans le sérail des écrivains et bien au delà.

Sartre, à l’instar d’une Madame Verdurin, « adopte une posture prophétique et dit son mot sur tout ».[1]

Mais il n’y a pas que les mots, cela peut aller jusqu’à la mise à l’écart, l’index, l’exclusion, l’excommunication, le dénigrement, l’anathème…

De Nizan à Camus, en passant par Romain Gary, combien d’écrivains ont été jetés aux orties au motif qu’ils étaient bourgeois, réactionnaires, individualistes, petits-bourgeois, gaullistes, pro-américains, anti-marxistes… Même Françoise Sagan en a pris pour son grade car elle avait contre elle à la fois les cocos et les cathos…

Certains ont quitté le parti, comme Edgar Morin, et ont moins souffert que les exclus dont Jeanine Verdès-Leroux montre bien le désarroi dans Au service du parti.  Je pensais à Jorge Semprun, qui a quitté le PC espagnol beaucoup plus tard, et en même temps, j’apprends sa mort, adieu vive clarté… 

Le pire c’est que tout cela a duré, s’est mué en haines tenaces quand le stalinisme a montré son véritable visage (inhumain, trop inhumain !), et qu’il ne fallait pas critiquer le communisme, encore moins mentionner ses crimes, sous peine d’être renvoyé au nazisme, à l’anticommunisme = être de droite…. (Sartre avait déjà donné le ton du maître à penser idéologue moraliste qui rejetait toute forme d’anticommunisme…) et surtout pour développer et entretenir un anti-américanisme qui fleurit en ce moment comme une fleur tropicale et vénéneuse avec l’affaire DSK.

J’ai découvert tardivement J. F. Revel, j’ai découvert qu’il n’était pas dedroite, comme même mon entourage degauche le laissait entendre, et ceux qui sont les premiers à dédaigner un philosophe intègre sont souvent ceux qui ont porté aux nues des régimes comme ceux de l’URSS, Cuba, la Chine…et plus grave distillent parfois les mêmes haines. J. F. Revel, comme George Orwell, a su démontrer et démonter le totalitarisme, et si le premier essuyait les quolibets dédaigneux de la gauche et même d’une droite qui s’alignait sur certaines de ses positions, le deuxième n’a pas été épargné par « l’internationalisme prolétarien ». Peu d’écrits relatent à chaud cet épisode de la guerre d’Espagne où les communistes, avec la bénédiction de Staline, ont massacré les anarchistes. G. Orwell en a rendu compte dans son  Hommage à la Catalogne, et l’orthodoxie communiste n’a eu de cesse de le dénigrer comme tous ceux qui témoignaient en revenant d’Espagne.

Mais la réhabilitation, quand il y en a une, est longue, comme si on entretenait qu’il n’y a pas de fumée…

Pourtant l’homme révolté  de Camus est plus actuel et plus vivant que le pantin révolutionnaire désarticulé, et plus près de changer la vie que l’homme qui s’indigne… et la plupart de ses textes laissent la vieille pensée marxiste loin dans le placard poussiéreux de l’histoire (on essaie encore aujourd’hui de nous faire croire qu’Althusser était un grand penseur !!!).

Quant à M. Onfray, il peut dégoiser sur Sartre, mais il a tendance à se comporter comme lui, distribuant bons et mauvais points à droite et surtout à gauche, en insistant sur le label rouge d'une origine ouvrière … qui fait un peu tache avec l’estampille hédoniste !

Pour terminer avec J. F. Revel, je ne citerai que deux de ses nombreux ouvrages, Le regain démocratique et La grande parade, qui ont le mérite de nous rafraîchir les idées et la mémoire, et de montrer les difficultés, même dans une démocratie « avancée », de passer d’une culture de l’obéissance à une culture de la liberté.



[1] Dictionnaire Albert Camus / sous la direction de Jeanyves Guérin

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