vendredi 4 novembre 2011

Una storia di amor

Après l'Angleterre j’annonçais pronto un détour par l’Italie…la bella, molto bella, la piu bella, bellissima… et puis les superlatifs c’est un peu lassant et je n’étais guère inspirée.
Avec la lande désolée des Brontë, les verts cottages du Kent et les saisons à Londres, c’est le thème qui revient le plus souvent dans les romans anglais du XIXème siècle.



da Giovanni une bonne adresse à Rome
La première chose qui m’a frappée, dans le nord de l’Italie, c’est l’assurance et le naturel des femmes qui entraient le matin dans les cafés, seules, et savouraient, souvent debout, leur cappucino en fumant une cigarette. Je ne voyais pas la même chose à Lyon et on était loin du cliché de la mamma enfermée à la casa ; vous savez que vous êtes en Italie au mètre près, par exemple une marche au col du Lombard, vous posez le pied côté italien, le café est tout de suite délicieux, et vous assistez même à  un pique-nique, pèlerinage joyeux où on ne sert pas du vin de messe …

Un ange des ténèbres sur son pont
Je suis allée trois fois seule en Italie, une semaine à Venise, et si j’ai apprécié de voir à mon rythme les églises, les musées, pouvoir faire des aller/retour sur le Grand Canal, ce n’était pas particulièrement agréable de découvrir que la chambre retenue était un placard et les seules rencontres intéressantes ont été faites lors du voyage en train. A l’aller j’ai rencontré une nana dégourdie (pas comme moi), qui n’avait rien réservé, a trouvé un hôtel super à côté du Rialto ; au retour je me suis retrouvée après la frontière seule avec un bel homme, très élégant (ses chaussettes devaient valoir plus cher que tout ce que je portais…), qui n’avait pas daigné me jeter un regard, il lisait le bouquin d’Hervé Guibert « A l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie », mais même sans ce livre, il était clair qu’il était gay. Et puis nous avons parlé toute la nuit, il était passionnant, critique d’art à l’origine, il avait voulu se lancer et mettait en place des expositions.
au frais contre un pilier de Saint Pierre
Une semaine à Florence, une chaleur d’enfer, des hordes de touristes en juin, des fresques invisibles à cause des perturbations horaires (la chiesa è sempre chiusa  argh…damned…), une queue de trois km aux Offices ;  idem, aucune rencontre, sauf dans le train, où j’ai fait la connaissance de l’actrice qui jouait dans le film de Chris Marker Level five  qu’elle allait présenter dans un festival…

La semaine en Sicile a été plus sympa, Palerme seule, c’est un délice, j’ai fait plusieurs excursions, et, à la différence des Italiens du nord, les Siciliens vous parlent ; bon ils croient que vous comprenez, ça c’est autre chose, mais vous n’avez pas l’impression d’être cette chose transparente qui n’est là que pour commander ou acheter quelque chose…

On l’aura compris l’Italie ne souffre pas la solitude… ni la touriste qui compte ses sous !

Crémone
duomo  Orvieto
Mes villes préférées (en dehors de la trilogie Rome, Florence, Venise), Orvieto, Lucques, Urbino, Mantoue, Torno (une piccolissima au bord du lac de Côme), Crémone…, les cinque terre et la meravigliosa Sienne. Venise, j’ai eu une crise de désamour en mars 2002, juste après le passage à l’euro, c’était dégoûtant et révoltant, une fabrique d’arnaque au touriste phénoménale… Je fais toujours un peu la gueule et n’y suis pas retournée mais cela ne saurait tarder…


Vulcano
En Sicile j’ai été stupéfaite de découvrir des villes entièrement baroques comme Noto (construites ou reconstruites après le tremblement de terre au XVIIIème siècle). 



Je ne résiste pas au plaisir de transcrire une soirée de Dumas à l’opéra de Florence, pour la première de Pia de Tolomei (un épisode très court, 7 vers, dans la Divine Comédie). Ses récits de voyage se parent de son goût pour le vivant, l’intrigue, les femmes… il a été viré manu militari des Etats pontificaux,  il a eu une liaison avec une célèbre cantatrice hongroise qui débuta lors d’une tempête sur le bateau qu’il avait loué (pour faire le tour de la Sicile) pendant que le fiancé de la diva était prostré sur le pont par le mal de mer…

« Il est impossible de faire preuve de patience plus longue et plus bienveillante, de saisir avec plus d’empressement tout ce qui pouvait consoler la pauvre Pia des douleurs que lui faisait souffrir son mari ;…, enfin lorsqu’il n’y eut plus aucun espoir de trouver un éclair de talent, lorsqu’on eut attendu un acte et demi pour saisir une intention musicale ou dramatique, et qu’on vit qu’il n’y avait plus rien à espérer ni d’un côté ni de l’autre, les conversations particulières commencèrent à s’établir, et les visites à se faire. On se promena bras dessus bras dessous comme on aurait pu le faire à la Bourse ; mais tout cela sans un sifflet, sans un murmure….Bientôt ce qui se passait sur le théâtre devenu tout à fait indifférent au parterre, les acteurs continuèrent de chanter pour l’acquis de leur conscience, et les spectateurs cessèrent complètement d’écouter par intérêt pour leurs oreilles, et peut-être la pièce eût-elle été jusqu’au bout sans l’imprudence du poète qui avait mis parmi les siens un vers de Dante.
Ricordati di me che son la Pia (souviens toi de moi qui suis la Pia).
C’était le refrain d’une cavatine chantée par la prima donna : cette espèce d’hommage à Dante, accompagné d’un air moins médiocre que les autres, rendit tout à coup au public son attention ; il se retourna, écouta avec bienveillance le premier couplet, avec complaisance le second, mais à la fin du troisième, et lorsque la Caroblei eût achevé le vers sacramentel : Ricordati di me che son la Pia
Un des spectateurs, profitant du silence, chanta sur le même air et sur le même ton :
Ricordati di noi qu’andiammo via (souviens-toi de nous qui nous en allons)
prit son chapeau, sa canne, et sortit ; ce fut un signal pour toute la salle, et chacun le suivit répétant la plus bouffonne parodie d’un des vers les plus mélancoliques de Dante. » [1]

J’aime croire que ce qui a scellé un amour si profond ce sont les larmes que j’ai versées, plusieurs fois,  car le film passait souvent quand j’étais piccola, sur Gelsomina et sa bouille d’artichaut…






[1] Alexandre Dumas Une aventure d’amour

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