samedi 24 décembre 2011

Cadeau de Noël

Hier je suis allée au cinéma le matin, en plein centre ville, et après la séance[1] je suis rentrée chez Nature et découvertes, pensant à leur canapé dans la pièce du fond et leur boisson chaude. Plus de canapé et de réservoir à tisane, rentabilité oblige, et ce qui m’a frappée, avant de ressortir au plus vite de cette antre bondée, ce sont les attitudes et les regards de la plupart des clients, hagards, le regard vide (mais qu’est-ce que je peux bien lui acheter, bonsoir ?) ou avide à la recherche d’une trouvaille, d’une merdouille ; parfois un oeil s'illumine, il a trouvé son Graal…

Je me souviens, il y a quelques années, quand je prenais souvent le métro pour aller travailler, 2 ou 3 jours après Noël, j’avais entendu une jeune femme dire à sa copine « chui pas contente, j'l’aime pas le collier qu’il m’a offert », mais aucun présent, même le plus somptueux, ne nous fait redevenir des enfants et peut même raviver toutes sortes de frustrations .

Un petit avant-scriptum rajouté, je viens de voir le documentaire de Christian Rouaud, Tous au Larzac, c'est un cadeau merveilleux pour finir l'année sans morosité avec ces quelques paysans, élevant vaguement des brebis, dans des conditions moyennâgeuses (dixit un sous-Debré), bien loin de la vacuité et de la fièvre acheteuse.

Je transmets une partie du poème de Victor Hugo A ceux qu’on foule aux pieds  du recueil « l’année terrible » dédié aux Communards. Thierry Jonquet a emprunté le vers ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte pour le titre de son roman paru en 2006.

A l’aube de cette année 2012 on peut étendre ces vers hors de la banlieue, vers les aéroports par exemple, où ce peuple, qui parfois devient impopulaire,  doublement « sous-traité » et mal traité, nous rappelle que le salaire narcissique et la reconnaissance sont tout aussi importants que ce qui est inscrit sur la fiche de paie.
 
Victor Hugo a su faire parler la conscience de l'individu. avec ceux qu’on foule aux pieds il nous pointe une responsabilité collective devant laquelle il est plus difficile de se défiler.

Oh ! je suis avec vous ! j’ai cette sombre joie.
Ceux qu’on accable, ceux qu’on frappe et qu’on foudroie
M’attirent ; je me sens leur frère ; je défends
Terrassés ceux que j’ai combattus triomphants ;
Je veux, car ce qui fait la nuit sur tous m’éclaire,
Oublier leur injure, oublier leur colère,
Et de quels noms de haine ils m’appelaient entre eux.
Je n’ai plus d’ennemis quand ils sont malheureux.
Mais surtout c’est le peuple, attendant son salaire,
Le peuple, qui parfois devient impopulaire,
C’est lui, famille triste, hommes, femmes, enfants,
Droit, avenir, travaux, douleurs, que je défends ;
Je défends l’égaré, le faible, et cette foule
Qui, n’ayant jamais eu de point d’appui, s’écroule
Et tombe folle au fond des noirs événements ;

Etant les ignorants, ils sont les incléments ;
Hélas ! combien de temps faudra-t-il vous redire
À vous tous, que c’était à vous de les conduire,
Qu’il fallait leur donner leur part de la cité,
Que votre aveuglement produit leur cécité ;
D’une tutelle avare on recueille les suites,
Et le mal qu’ils vous font, c’est vous qui le leur fîtes.
Vous ne les avez pas guidés, pris par la main,
Et renseignés sur l’ombre et sur le vrai chemin ;
Vous les avez laissés en proie au labyrinthe.
Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte
 ;
C’est qu’ils n’ont pas senti votre fraternité.
Ils errent ; l’instinct bon se nourrit de clarté ;
Ils n’ont rien dont leur âme obscure se repaisse ;
Ils cherchent des lueurs dans la nuit, plus épaisse
Et plus morne là-haut que les branches des bois ;
Pas un phare. A tâtons, en détresse, aux abois,
Comment peut-il penser celui qui ne peut vivre ?
En tournant dans un cercle horrible, on devient ivre ;
La misère, âpre roue, étourdit Ixion.
Et c’est pourquoi j’ai pris la résolution
De demander pour tous le pain et la lumière.




[1] Curiosité bien légitime, j’ai vu « A dangerous method » de David Cronenberg, bon film pas du tout caricatural comme pouvait le faire craindre la bande-annonce

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